JNME 2003 – Table ronde


AECME – Journées de la composition électroacoustique 2003

Table Ronde organisée au CNSMD de Lyon le 9 octobre 2003 dans le cadre
des Journées de la composition électroacoustique en partenariat avec l’AECME

Quel(s) avenir(s) pour nos classes de composition électroacoustiques ? et pour nos étudiants ?
Quelle est la politique de l’état concernant la composition musicale en France ?

première partie : interventions
deuxième partie : débat

 Transcription et rédaction effectuées par Anne Veitl, modératrice.


Thème :

PREMIERE PARTIE : INTERVENTIONS

Les intervenants de la table ronde :

Avec la modératrice des débats, Anne Veitl, chercheur, Observatoire Tscimuse à Grenoble.


Henry Fourès :

Dans un premier temps, Henry Fourès, directeur du CNSMD de Lyon, remercie toutes les personnes de leur présence et notamment Monsieur Alain Budan, le représentant de la SACEM de la région, dont le soutien a permis d’organiser le séjour et les déplacements des étudiants.
Henry Fourès rappelle aussi que c’est la deuxième année que ces journées sont organisées et que l’idée est bien de continuer.

Il précise aussi que, l’an dernier et cette année, les étudiants des Conservatoires supérieurs de Lyon et Paris n’ont pas été conviés à être joués dans les concerts, mais le projet est de le faire l’an prochain.
Selon Henry Fourès, ces journées permettent « d’avoir des états généraux de ce qui se passe dans les ENM, CNR et autres institutions où l’électroacoustique est présente » et, du point du CNSM de Lyon, « d’avoir une analyse critique de notre propre fonctionnement ».


Christian Eloy :

Christian Eloy prend ensuite la parole, au titre de Président de l’Association des Enseignants de la Composition en Musique Electroacoustique.
Il souhaite d’abord la bienvenue à tous et remercie :

  • la DMDTS, avec la présence de Fernand Vandenbogaerde, inspecteur,
  • Henry Fourès et le CNSMD pour son accueil chaleureux et sa logistique,
  • la SACEM en la personne de M. Alain Budan, délégué régional, pour la subvention qui a permis (comme on l’a déjà dit) de participer aux déplacements et hébergements de 23 compositeurs venus de toute la France,
  • Denis Dufour et l’équipe de Motus pour la qualité de son système de diffusion et l’organisation des répétitions et de ces 4 concerts,
  • Anne Veitl qui a accepté de prendre part et de modérer cette table ronde,
  • les professeurs présents ainsi que les étudiants qui manifestent ainsi leur intérêt pour notre discipline et son avenir, ou plutôt ses avenirs,
  • enfin, une mention particulière pour Agnès Robert qui a été la cheville ouvrière de l’organisation de ces journées et à qui nous n’avons pas toujours simplifié la tâche, rédactionnelle, en particulier ! je l’en remercie personnellement.

Puis Christian Eloy ouvre la table ronde :

Le sujet qui nous préoccupe : l’avenir de ces classes et de ces jeunes compositeurs qui nous font confiance, la seconde partie de cet intitulé n’étant que le prolongement naturel de ce questionnement ou de ces inquiétudes,
j’ai choisi de présenter et de relever quelques éléments objectifs de notre situation, à la suite de la petite enquête à laquelle vous avez bien voulu participer en répondant au questionnaire.
Je ne prétends pas ici avoir (mais qui les a ?) toutes les informations pour en faire un document de synthèse exhaustif.
Je rappelle tout d’abord qu’il y a en France : 2 CNSMD, 36 CNR, 105 ENM et un grand nombre (je n’ai pas le nombre exact) d’écoles municipales, agréées ou non, sans parler des autres structures associatives qui ne sont pas toujours répertoriées.
C’est un tissu très dense, mais aussi très disparate et, en tous les cas, de moins en moins hiérarchisé. L’influence et l’autorité du ministère de la culture y sont sûrement pour quelque chose.
On peut dire qu’au niveau des CNR (et il faudra s’en souvenir dans nos débats) à peine un tiers d’entre eux a une classe de composition électroacoustique, bien identifiée, qui fonctionne comme telle (il y a quelques situations un peu intermédiaires).
On notera que la majorité de ces classes a été créée dans les années 1980-85. Depuis cette période, il y a eu certaines disparitions, souvent assez discrètes, de classes (au moins trois à ma connaissance), alors que la dernière création de classe remonte à 10 ans dans les CNR.
Cette tendance est inverse dans les petites écoles ou structures qui voient de nombreuses initiatives locales ou personnelles se mettre en place dans des proportions non négligeables. Toutefois, il faut voir de plus près les véritables motivations et les objectifs de ces créations qui ne sont pas toujours aussi claires : je pense à certaines pressions locales concernant les musiques actuelles et amplifiées qui sont assez éloignées de nos objectifs de composition électroacoustique.
Une autre observation : la répartition géographique de ces classes montre une légère prédominance (du point de vue du nombre de classes) du sud de la Loire, et un rapport à la population qui est déficitaire en ce qui concerne la région parisienne.
(… rires dans la salle…)
La moyenne des effectifs est de 14 étudiants par classe. Une classe dispose en général de 2 à 3 studios, avec des conforts &emdash; dirais-je &emdash; assez divers.
Ces effectifs, en général, ont majoritairement tendance à croître au fil des années, ce qui fait que toutes ces classes ont recours désormais à des examens ou des tests pour effectuer une sélection à l’entrée.

La majorité des professeurs de CNR sont titulaires à 16 heures. La tendance est là aussi inverse dans les écoles nationales et surtout municipales, où les situations administratives peuvent être très diverses, à la discrétion des tutelles locales. L’absence d’un DE et trop peu de CA constituent souvent un handicap au déroulement de carrière ou à une entrée dans la carrière.
La présence d’un assistant ou d’un adjoint n’est le cas que dans moins d’un établissement sur trois, ce qui pose des problèmes essentiellement matériels à beaucoup d’enseignants (il y a une forte demande d’un soutien essentiellement matériel).
Un autre aspect : les classes de composition électroacoustique produisent en moyenne 3 à 4 concerts, dans leurs établissements ou en dehors. Elles ont souvent recours à des structures extérieures pour en assurer la logistique, car très peu de classes disposent d’un système de diffusion de musique électroacoustique conséquent.
On observe que les activités des classes dépassent souvent le strict cadre de l’enseignement de la composition électroacoustique. Ces classes rayonnent très souvent dans le domaine de la pédagogie et de la création bien au-delà de leurs attributions. Certains établissements en ont fait le pivot d’un véritable département de création musicale.

Je terminerai par une autre constatation qui est à la fois rassurante et inquiétante dans la situation générale actuelle : historiquement, les centres et groupes de recherche et de création ont joué un rôle important dans la mise en place et le fonctionnement des classes les plus anciennes.
Pour la plupart d’entre eux, la nécessité d’un prolongement et de la transmission d’une culture et d’un patrimoine s’est fait ressentir rapidement et a pu se réaliser (pas immédiatement, ni toujours simplement) dans les lieux dont la vocation reste l’enseignement et la pratique de la musique : c’est-à-dire les conservatoires.
Cette histoire et ces liens sont souvent encore visibles et actifs dans les classes. Ces groupes et centres sont très souvent un instrument de pré-professionnalisation des étudiants ; ils peuvent compléter des domaines et des rôles que le conservatoire ne sait ou ne peut remplir, allant « du coup de main » pour le matériel jusqu’à apporter des compétences et une méthodologie qui ne sont pas celles, traditionnelles, d’un conservatoire.
Ils sont aussi perfois un trait d’union entre deux mondes, entre artistes et scientifiques, et peuvent favoriser les passerelles toujours difficiles à établir entre université et conservatoire. On verra si l’avenir nous donne raison.
En tous les cas, on voit encore parfaitement l’influence de ces groupes de recherche au travers de ces classes et c’est en quelque sorte notre histoire qui s’inscrit et perdure par ces classes dans les conservatoires ».

Christian Eloy conclut :

Ces propos, à la forme un peu sociologique et même statistique quelquefois, se veulent comme une photographie ou une lecture (jamais complètement objectives) d’une partition déjà écrite ; et je souhaite, pour la suite des débats, que ce soit la suite de cette partition que nous écrivions ensemble maintenant, plutôt que l’éternel remix de cette histoire.


Bertrand Dubedout :

Bertrand Dubedout est ensuite invité à prendre la parole, afin de poursuive à propos du paysage institutionnel de l’enseignement de la compostion électroacoustique. Il commence son intervention en abordant :

La question qui est fondamentale pour chacun d’entre nous, enseignants (et évidemment pour les étudiants) : celle du temps pédagogique.
La réponse que je vais donner est celle d’un professeur de CNR qui a essentiellement affaire à des élèves adultes. Si j’avais affaire à une population plus jeune, la question ne se poserait pas dans les mêmes termes.
La question est celle du temps pédagogique efficace dans une discipline où l’élève est adulte. Il s’agit d’une discipline « d’érudition » (entre guillemets), une discipline de composition.
J’ai une tendance un peu radicale à penser qu’en deux ans je pense avoir livré tout ce que j’ai à dire aux élèves. J’ai eu le temps de dire et de redire les choses.
Evidemment, deux ans, c’est court. Une troisième année me semble intéressante pour permettre à l’étudiant de mener à bien un projet de réalisation artistique. Une quatrième année est possible s’il y a un désir de l’élève d’approfondir, mais elle ne me semble pas utile car j’ai peur que la relation devienne presque contre-productive, car pesante.
Deux années permettent d’établir une bonne relation, c’est-à-dire une transmission, l’accompagnement d’une énergie, d’un désir de création.
Chacun d’entre nous décline à sa manière ces années en 1°, 2° ou 3° cycle. A Toulouse, cela se décline en 3 cycles. Au bout des 3 ans, j’invite les étudiants à aller voir ailleurs, à rencontrer d’autres personnes.
Et la question se pose à ce moment-là : où ? Quelles perspectives offrir à un étudiant qui a excellé ou bien marché dans une classe ?
On se rend alors compte qu’il n’y a aucun endroit en France qui accueille les élèves qui ont excellé dans les disciplines spécifiquement électroacoustiques. L’accès dans un CNSM est interdit pour les élèves qui ont excellé dans nos classes.
Au CNSM de Paris, il y avait une classe d’électroacoustique et elle n’existe plus. Quelqu’un qui veut rentrer et pratiquer l’électroacoustique au CNSMD de Paris doit présenter des oeuvres instrumentales et orchestrales. Au CNSMD de Lyon, je pense que la problématique est la même : il n’y a pas de cursus pédagogique qui soit spécifiquement consacré à des élèves ayant bien marché dans un CNR.
Cette situation est assez paradoxale. Elle consiste à refuser à des étudiants, qui ont excellé, de poursuivre leurs études.
Cela pose le problème de l’absence de perspectives : perspectives d’études et perspectives d’un aboutissement professionnel, qui sont corrélées.
Faute de perspectives, il y a le risque (et il ne faut pas le négliger) que la pratique de l’électroacoustique apparaisse comme une sorte d’impasse sur le plan des études et sur le plan professionnel (sauf si on a entrepris aussi des études de composition instrumentale, mais ce n’est pas le cas de tous).

Le risque ensuite est aussi celui d’une dilution de ces pratiques, de la transmission spécifique. Et là il faut appeler les choses par leur nom : c’est-à-dire la transmission de ce qui vient de Schaeffer. Ce que nous transmettons dans les CNR en France (il y a là-dessus une certaine unanimité), c’est l’héritage schaefferien.
Cet héritage, nous avons le risque de le perdre si nous ne le poursuivons pas à un niveau supérieur.
Je serais partisan de la création d’un cursus supérieur d’étude de musique électroacoustique en spécifiant bien que ce qu’on pratique ne concerne pas les musiques amplifiées, les musiques électroniques, la computer music, mais cela : ce qui vient de Schaeffer, la musique concrète, la musique électroacoustique, la musique acousmatique.
Le problème de la dénomination est important.
Je crois qu’il faudrait même créer une sorte d’émulation. Puisqu’il existe un cursus supérieur en informatique musicale proposé par l’Ircam, il serait urgent et important de créer un cursus qui se positionne concurremment au cursus de l’Ircam (et même si celui-ci permet à certains élèves de découvrir l’électroacoustique) pour les étudiants qui s’intéressent spécifiquement à cette pratique, pour l’approfondir à un niveau important.
Je n’ai pas le temps ici de développer le contenu de ce cursus. Le cadre pourrait être celui des CNSM qui pourraient créer ou recréer des filières pédagogiques spécifiques. Ou bien, au même titre que l’Ircam, une institution équivalente pourrait créer ce cursus. Je pense évidemment au GRM et j’y pense d’autant plus fort que le rôle pédagogique du GRM a été très important aux débuts de la musique électroacoustique. A l’époque, tout le monde se disait qu’il fallait y avoir été, que c’était impensable de ne pas y passer pour commencer sa carrière de compositeur. Le fait que cela existe a été très important pour l’émulation, pour l’émergence de cette musique, pour l’affirmation de ce genre dans le monde musical contemporain.
Cela n’existe plus et si la musique électroacoustique reste très vivante dans les CNR, il manque l’émulation par le haut. Il faut (et je n’hésite pas à utiliser le terme) une structure de prestige qui attire les étudiants de CNR, les étudiants de l’étranger.

D’autre part, il y a aussi la question des institutions prestigieuses dans lesquelles les artistes peuvent séjourner. Je pense à la Villa Medicis, à la Casa Velasquez.
A ma connaissance, je crois qu’à la Villa Medicis un seul compositeur, Philippe Mion, a pu faire un séjour et être résident au titre d’un projet de musique électroacoustique. Et, d’autre part, le studio que j’ai eu l’occasion de visiter est dans un état lamentable.
C’est dommage que des endroits comme cela qui représentent un prestige artistique, un rêve, ne défendent pas et ne proposent pas des résidences liées à des projets de musique électracoustique.

Bertrand Dubedout termine son intervention en insistant sur la nécessité de mettre en place des « endroits qui fassent rêver ».


Ana Dall’Ara-Majek

Après ces deux interventions sur l’organisation de l’enseignement, la parole est donnée aux étudiants, invités à témoigner de leur parcours et des conditions d’enseignement dans leurs classes respectives, ainsi qu’à communiquer leurs attentes et critiques.

Ana Dall’Ara-Majek s’exprime en premier. Elle commence par apporter des précisions sur le cas de la classe de Pantin qui est « hétérogène » en ce sens où elle accueille, pour un cursus de 4 ans, autant des étudiants non-musiciens, des étudiants débutants ou en perfectionnement, que des étudiants de conservatoire qui ont déjà pratiqué la composition instrumentale :

Notre groupe d’élèves forme un collectif très brassé et pluridisciplinaire. Nous évoluons au sein d’une organisation relativement souple qui privilégie la liberté d’une création personnelle, sans imposition de style, qui respecte plus ou moins les rythmes de chacun, la diversité d’opinions.
Je voudrais souligner qu’à l’unanimité dans cette classe nous estimons que ce mélange de personnalités et de niveaux est une richesse, que la classe bénéficie en ce sens d’une évolution tout à fait intéressante, et que notre groupe reste malgré tout cohérent.
Du fait de la nature de notre classe, nous rencontrons des divergences d’opinions en ce qui concerne les motivations et les objectifs de chacun à l’entrée dans le cursus. Pour résumer, disons qu’il existe deux grandes tendances :

  • ceux qui recherchent une formation sur la composition en règle générale, c’est-à-dire sur l’écriture, la forme, comment organiser les sons, comment réaliser une pièce acousmatique élaborée, ceci en vue de participer à des concours, s’inscrire à la SACEM et de continuer dans une voie davantage créatrice.
  • ceux qui sont plus intéressés par le travail du son pour lui-même, sans nécessairement devenir « compositeur » (entre guillemets) : pour la découverte de sa matière, vers une pratique plus expérimentale, une attitude d’écoute différente.

Le fait d’être une classe hétérogène nous confronte à de nombreux problèmes qui génèrent des questionnements et des inquiétudes.
Après un sondage auprès des étudiants de Pantin, à propos de ces problèmes, il est ressorti d’abord que nous manquons de temps.
Au sein de l’ENM, nous avons une journée de cours par semaine alors que l’enseignement de l’électroacoustique est vaste. Il concerne une diversité d’activités que nous n’avons pas réellement le temps de voir en détail et auxquelles doit se surajouter une formation technique qui prend déjà énormément de temps.
L’inconvénient majeur de cette classe (avec des débutants et des non débutants) est qu’elle avance à deux vitesses différentes et que la demande est beaucoup trop importante pour être traitée par un seul enseignant sans assistant.
De plus, la majorité des étudiants de Pantin ne peuvent se consacrer plus d’une journée à cet enseignement étant donné leur engagement à temps complet soit par une profession soit par un cursus universitaire.
Une autre inquiétude concerne l’avenir du collectif de la classe d’électroacoustique.
Nous nous inquiétons de voir que l’enseignement a tendance à privilégier des étudiants musiciens qui sont de formation de conservatoire classique, qui ont déjà pratiqué la composition.
Nous ne tenons pas à ce que cet enseignement se ferme sur ces gens-là, nous voulons au contraire l’ouvrir à des gens non musiciens.
La totalité des étudiants de Pantin souhaite que la classe puisse rester un espace de rencontres ouvert où se côtoient des amateurs et des professionnels, tout en étant une plate-forme pour se spécialiser dans la composition. Pour que tout le monde atteigne ses objectifs, il faudrait augmenter le nombre d’années du cursus.
Certains proposent également un système de cursus général qui puisse se poursuivre par un cursus supérieur, suivant le modèle des classes instrumentistes.

Une autre inquiétude : le manque d’informations et d’expériences pour rester dans le réseau électroacoustique.
Nous nous posons la question de savoir quels sont les dispositifs existants pour pouvoir rester dans le réseau de la composition électroacoustique après notre cursus, comme il n’existe pas d’enseignement supérieur, et sachant que la majorité des étudiants estime avoir besoin de la rencontre avec un collectif diversifié pour discuter de leur travail et pour pouvoir évoluer personnellement.
De ce fait, nous avons un certain nombre d’élèves qui se sentent dépendants de leur statut d’étudiant et qui voient l’avenir un peu brumeux.
La sortie du cursus est souvent ressentie comme une déconnexion, car l’enseignement électroacoustique reste un réseau relativement fermé qui n’est pas entièrement reconnu dans les domaines de la composition ou des métiers du son.

Outre ces problèmes et inquiétudes, les étudiants de Pantin ont fait aussi des propositions qui selon eux pourraient améliorer l’avenir de l’enseignement.
Ces propositions que je vais citer dans le désordre proviennent autant des amateurs que des pré-professionnels. Elles concernent :

  • des possibilités de rencontres plus fréquentes avec les compositeurs ;
  • des possibilités de pouvoir, au cours du cursus, assister des personnes dans les métiers du son pour acquérir une expérience sur le terrain ;
  • participer de façon plus fréquente à des portes ouvertes d’institutions comme l’Ircam, le GRM ou des radios, pour pouvoir se familiariser avec d’autres machines que celles du studio, savoir comment ces différents milieux fonctionnent, et rencontrer plus de personnes ;
  • développer les échanges inter-classes et favoriser les projets communs entre les différentes classes d’électroacoustique ;
  • bénéficier de plus d’activités optionnelles comme des stages de technique, de spatialisation, d’écriture ou d’improvisation, ouverts à des personnes qui ne sont pas nécessairement spécialisées, et qui puissent mettre l’accent sur le son dans ses pratiques diverses (et pas uniquement dans les créations personnelles) ;
  • des possibilités de cours avec horaires du soir pour les personnes qui travaillent ;
  • l’occasion d’étendre la composition acousmatique à des domaines plus développés comme la radio, le théâtre ou le cinéma ; de créer plus de partenariats avec d’autres médias et d’avoir l’occasion d’y apprendre les différentes normes ;
  • organiser une réflexion plus active sur des dispositifs de diffusion pour un public plus large ;
  • développer un système d’associations qui puisse prendre le relais du cursus étudiant, notamment en ce qui concerne l’organisation des concerts pour des personnes amateurs.

Ana Dall’Ara-Majek conclut en expliquant que :

Nous ressentons une tendance de l’enseignement de l’électroacoustique à se refermer peu à peu sur lui-même, dans une sorte d’élite. Nous pensons que cela risque de compromettre son avenir, d’où la présence d’un désir très fort de créer beaucoup plus d’ouvertures, de pouvoir mettre en application ce que nous apprenons au sein de notre formation dans des milieux plus étendus, que ce soit dans le domaine de la composition, de la pratique du son ou de la technique.

(…applaudissements du public…)


Anne-Lore Guillemaud

Anne-Lore Guillemaud prend alors la parole en relevant d’abord « qu’Ana a tout dit et qu’il n’y a pas grand chose à rajouter » (…rires dans la salle…)
Elle commence par se présenter :

Je représente la classe du CNR de Bordeaux et mon parcours est commun à pas mal d’élèves de la classe.
Je suis arrivée dans la classe de composition d’électroacoustique par le biais de l’atelier de musique assistée par ordinateur. Nous sommes d’ailleurs un certain nombre à être passés d’abord par le cursus de musique électronique, de MAO.
Nous avions ressenti un manque dans cet atelier qui a été petit à petit comblé par la classe d’électroacoustique. Un lien s’est créé un peu naturellement. Cette année, par exemple, les épreuves du concours d’électroacoustique ont été couplées avec les épreuves de musique assistée par ordinateur.
Au départ, à l’atelier de MAO, on développait beaucoup plus des musiques électroniques qui se basent sur un rythme, sur une musique un peu plus populaire que la musique électroacoustique. Ce qui nous a intéressé dans la musique électroacoustique, c’était d’une part le travail du son concret et, d’autre part, tout ce qui concerne le travail de diffusion.
La classe d’électroacoustique nous a apporté des outils nouveaux, comme les systèmes de diffusion. Cela nous a permis de developper un nouveau travail par rapport à ce que l’on connaissait déjà dans la musique électronique.
Aujourd’hui, ce que nous souhaiterions davantage trouver dans nos classes, c’est (comme l’a dit Ana) la venue d’intervenants extérieurs, de compositeurs qui pourraient nous donner une approche plus professionnelle de ce qu’est la composition électroacoustique.
D’où peut-être plus de travaux dirigés, car, quand on arrive dans ces classes (et cela a aussi un côté positif), on est mis en position de compositeur, on doit immédiatement se lancer dans la production et créer quelque chose de cohérent. On a une oeuvre à présenter en fin d’année, deux oeuvres dans l’année.
On aimerait pouvoir bénéficier (mais cela pose certainement un problème de moyens) d’intervenants extérieurs et avoir une approche plus pratique des choses.

A Bordeaux, nous avons la chance de pouvoir travailler en partenariat avec l’Université et le SCRIME, ce qui nous permet l’organisation de concerts. On a la possibilité de se confronter aux aspects pratiques : monter un système de diffusion, diffuser des oeuvres sur ce système et s’entraîner à cette pratique.
Nous souhaiterions, au cours de l’année, avoir encore plus souvent accès à un système de diffusion qui pourrait être disposé dans une salle. Les intervenants extérieurs pourraient y venir nous enseigner ce qu’est la diffusion de pièces électroacoustiques.
Pour ce qui est du temps d’étude souhaitable : sur Bordeaux, nous avons un cursus de 3 ans et je trouve que ce cursus est assez bien équilibré.
Ces 3 ans permettent, la dernière année, d’acquérir une certaine autonomie et d’arriver à un stade où l’on est capable de produire quelque chose de personnel et de trouver sa voie.
Il est vrai qu’au bout des 3 ans, à la sortie du CNR (et c’est mon cas actuellement), la question se pose : qu’est-ce qui se passe après ?
Soit on rentre dans le milieu professionnel, mais peut-être en passant par d’autres biais que la musique électroacoustique pure, c’est-à-dire les techniques du son, la post-production, les musiques de cinéma et de publicité.
Pour la musique électroacoustique pure, on se demande ce qui peut en ressortir.
Quand on est élève, on se renseigne sur les possibilités de professorat, mais on a en fait peu de réponses. On essaie de voir dans les Cefedem s’il y a des formations pour la composition électroacoustique, mais on n’a pas non plus de réponses et on ne sait pas où se diriger.
Actuellement, on regarde s’il existe des cursus à l’étranger qui répondraient aux attentes que l’on a. En France, on arrive difficilement à trouver des réponses à ce que l’on fait en sortant du CNR.
Ce qu’on reprocherait à la classe de composition, c’est qu’elle est trop spécifique, c’est-à-dire qu’on n’a pas les matières qui tournent autour de la composition électroacoustique.
Les gens qui rentrent dans la classe de Bordeaux, comme c’est le cas aussi à Pantin, viennent de milieux différents : des musiques électroniques, des Beaux-Arts, de la composition instrumentale. D’où des niveaux disparates et des attentes diverses.

Anne-Lore Guillemaud termine son intervention en exposant les matières qui pourraient répondre à ces attentes : en culture et analyse musicales, en solfège (pour ceux qui viennent des musiques électroniques), en techniques du son (avec éventuellement un système de tutorat) et en informatique pure, car les studios sont en général déjà configurés et il y a un manque de connaissances en informatique pour résoudre certains problèmes.


Martin Feuillerac

Martin Feuillerac intervient ensuite, pour apporter le témoignagne d’un étudiant issu lui de la musique instrumentale, et qui a ensuite choisi la composition électroacoustique, du fait de son attirance pour le « son concret » et tout « l’héritage de Schaeffer ».
Il dit partager les demandes des représentantes des classes de Pantin et de Bordeaux et commence par aborder la question des attentes d’un étudiant qui rentre dans une classe d’électroacoustique. Pour lui : 

C’est la question la plus importante.
Ce qu’un élève cherche en entrant dans une classe d’électroacoustique, c’est lui-même, qu’il le sache ou pas. Il cherche à se révéler, à se découvrir et à apprendre ce qu’il peut faire de son désir de création.
Pour cela, il faut un bon environnement, du matériel avec des logiciels qui fonctionnent. Il faut aussi pouvoir découvrir le répertoire de musique électroacoustique. Il faut enfin arriver à s’épanouir, c’est-à-dire à trouver son style.
Le dernier point est le plus délicat. Le reste peut être obtenu grâce à des moyens financiers ou à une médiathèque. L’épanouissement dépend entièrement du professeur qui doit guider le désir de création de son élève, sans pour autant le parasiter, sans mettre ses propres désirs dedans.
Si l’on devait ne garder qu’une seule chose des classes d’électroacoustique, c’est arriver à cela : donner aux élèves l’envie de créer. Si l’envie est donnée, la graine est plantée et après, malgré les problèmes politiques, sociaux ou économiques, un jour ou l’autre, cela arrivera à se développer.
Au CNR de Toulouse, j’ai trouvé tout cela et je ne vais pas m’attarder sur ces points. Je vais plutôt développer les points négatifs, c’est-à-dire ce que j’aurais aimé trouver et que je n’ai pas trouvé.

On a parlé tout à l’heure de parrainage entre classes d’électroacoustique. Je voudrais en venir à une notion qui me paraît plus essentielle qui est le parrainage entre disciplines dans un même conservatoire. Quand je dis discipline, je pense à discipline instrumentale, mais aussi au théâtre et à la danse.
L’art dramatique et la danse ont été complètement exclus de mon cursus et même le travail avec des instrumentistes a été assez rare.
Il faut savoir que quand nous voulons travailler avec un instrumentiste, l’étudiant fait la démarche auprès du professeur ou d’un instrumentiste qu’il connaît. Rien ne remonte jusqu’à l’administration du CNR qui ne prend pas en compte le fait qu’un projet a été entrepris entre telle et telle classe, et qui pourrait servir au examen ou à quoi que ce soit.
Le désir que j’aurais est qu’au niveau de l’administration on prenne en compte les projets de musique mixte qui permettent des expériences enrichissantes dans les deux sens, pour les instrumentistes et pour le compositeur.
Ce qu’il me paraîtrait bien d’organiser dans les CNR, ce serait non seulement des semaines d’électroacoustique (c’est le cas à Toulouse où, pendant une semaine, on a un système de diffusion sur lequel on peut travailler la diffusion), mais aussi de monter, avec l’assentiment des directions des conservatoires, un ou des concerts de musique mixte, avec un vrai dispositif de diffusion en direct.
Cela permettrait de faire découvrir l’électroacoustique, de donner envie de participer à ce genre de démarche. Cela permettrait aussi aux élèves de découvrir d’autres univers ou d’autres formules, ou même d’autres débouchés (un élève de la classe d’électroacoustique a pu travailler pour le théâtre, par exemple).
J’entends souvent dire que la musique électroacoustique a un problème de sensibilisation du public. On va faire des actions dans les petites classes, dans les écoles, les collèges. Mais, au CNR, rien n’est fait.
Au CNR, l’électroacoustique est dans un coin. Elle est un milieu à part et, effectivement, il est renfermé sur lui-même parce qu’il n’est pas ouvert aux autres disciplines. De ce point de vue là, on ne gagne pas en images d’une discipline ouverte.

On parlait tout à l’heure aussi de la sortie du CNR. Il est nécessaire de favoriser l’insertion des étudiants.
A Toulouse, on a une association qui oeuvre à la diffusion de musiques électroacoustiques et un festival de musiques nouvelles, ce qui donne l’image d’un milieu dynamique vers lequel on peut se tourner quand on sort du CNR. Il s’agit de collectifs de musiciens qui partagent leurs envies avec les jeunes qui sortent du conservatoire.
Mais il faudrait aller plus loin.
J’ai eu la chance, grâce à Bertrand Dubedout, de travailler avec l’Orchestre National du Capitole et c’est quelque chose que je souhaite à tout le monde. C’est une expérience formidable, mais, depuis, je ne pense pas qu’il y ait eu de nouveau une expérience de musique mixte avec un Orchestre National.
Le répertoire ne manque pas, mais l’envie. Il faudrait solliciter les moyens publics pour créer cette envie-là auprès, aussi, des musiciens des grands ensembles.
A la sortie de la classe d’électroacoustique du CNR, si on ne peut pas rentrer dans un CNSM, on est dans un mur. Et il reste quoi ? Intermittent du spectacle… On est dans un autre mur… (… rires…)
Un musicien électroacousticien devrait pouvoir, comme les autres musiciens, aller jouer des musiques mixtes avec des ensembles et des orchestres.

Martin Feuillerac termine son intervention en s’adressant plus particulièrement à Jean-Marc Weber qui était présent dans son jury d’examen. Il lui fait part du regret qu’il n’y ait eu, dans le jury pour son examen de fin sortie du conservatoire, qu’un seul enseignant de musique électroacoustique, lui.
Pour Martin Feuillerac, c’est « se trouver devant des critères de sortie qui relèvent plus de critères esthétiques (on aime ou on n’aime pas votre pièce), que de critères techniques (de diffusion par exemple) ou d’une compréhension de l’oeuvre ou de la démarche ». C’est selon lui un problème de reconnaissance de la musique électroacoustique en tant que telle.
(… et il précise que son adresse directe à Jean-Marc Weber, qui l’interroge à ce propos, n’est en rien une critique qui le viserait personnellement …)


Jean-Marc Weber

Lequel Jean-Marc Weber reprend la ronde des interventions des enseignants de musique électroacoustique en soulevant pour sa part le problème de l’homogénéisation du cursus à l’échelle nationale. Selon lui :

Il faudrait penser à cela très sérieusement, pour pouvoir permettre aux gens de bouger géographiquement.
C’est quelque chose qui nous touche plus particulièrement à Chalon, parce que nous avons des élèves relativement jeunes qui sont des pré-ados et des ados. Une grosse partie de la classe a moins de 18 ans. Ces gens-là sont inévitablement appelés à bouger du fait de la poursuite de leurs études supérieures. Ils peuvent éventuellement commencer un cursus de musique électroacoustique à Chalon et essayer de le poursuivre ailleurs.
Je pense qu’il serait important de faire une analyse de ce qu’il se passe dans les cours, au niveau national.
Qui doit mener l’analyse ? C’est à voir.
En tous les cas, je vous pose la question de faire une enquête et de voir ce qu’il se fait dans les différentes classes.

Il me semblerait intéressant d’avoir une épine dorsale sur la technique. Je suis heureux d’entendre ici beaucoup de personnes parler de demandes de cours sur le son et sur la technique.
On a choisi à Chalon de faire un deuxième cycle qui est basé sur cette épine dorsale qui concerne l’acquisition de données théoriques au niveau du son, de l’acoustique physique.
Ce cursus est sanctionné par un contrôle continu et par une note. Si cette note n’est pas bonne, on ne passe pas en 3° cycle. Même si l’étudiant est excellent dans la partie artistique, sur laquelle il va être noté également (par un jury composé de gens compétents… et issus du milieu de la musique électroacoustique en général…), si la partie théorique n’est pas sanctionnée par une bonne note, il ne passe pas.
Cette épine dorsale pourraît être commune à toutes les classes. C’est assez facile à faire. La théorie est très facile à enseigner.
C’est vrai que nous avons déjà beaucoup de choses à faire. On a la chance à Chalon d’être deux enseignants. Du coup, je peux faire des cours collectifs qui sont dédiés à cela et François Bertrand peut prendre en charge les cours de composition en individuel avec les élèves.
Il ne s’agit pas de scléroser les classes, d’imposer un cursus. Les jeunes compositeurs sont aussi à la recherche de personnalités, d’une rencontre de compositeurs. C’est le volet artistique de cet enseignement qui doit être maintenue : c’est ce qui fait l’originalité de chaque classe, par rapport à son enseignant.
L’épine dorsale à toutes les classes permettrait aux étudiants de bouger géographiquement et d’être à l’aise techniquement dans différents studios ».

Jean-Marc Weber conclut en convenant que cela ne résout pas le problème des études supérieures dans un CNSM, mais insiste sur le fait que la question de la poursuite des études dans un autre conservatoire se pose aussi au niveau des CNR et entre les classes existantes.


Laurence Bouckaert

Laurence Bouckaert prend à son tour la parole et rebondit tout d’abord sur la remarque de Jean-Marc Weber à propos de la diversité des esthétiques liées à la personnalité de chaque enseignant :

Il y a des classes d’acousmatique pure, des classes où l’on pratique la musique en temps réel, des classes où l’on met plus l’accent sur l’apprentissage technique, la MAO, d’autres où l’on pratique l’improvisation.
Elle ont toutes leur valeur et il faut préserver ces différences.
Mais ne serait-il pas intéressant de spécifier les différences de chacune des classes pour pouvoir mieux orienter nos étudiants ?
Et est-ce qu’il faut choisir une orientation dans cet enseignement ?
Une autre question : faut-il considérer l’enseignement de la musique électroacoustique comme quelque chose de complémentaire, comme c’est le cas au CNSM de Paris, ou comme une matière à part entière ?
D’autre part, nos élèves ont différents âges, différents profils ; ils viennent des Beaux-Arts, de la musique électronique, de la musique instrumentale.
Est-ce qu’on les accepte quand ils sont non solfégistes, ou pas ? Pourquoi ?
Est-ce qu’on limite les classes d’âges uniquement aux adultes ou est-ce qu’on prend en charge les enfants, sachant qu’on enseigne la composition.
La composition, c’est apprendre à gérer le temps et on sait qu’un enfant peut manquer de maturité dans ce domaine. En même temps, si on limite nos classes uniquement aux adultes, on va se retrouver avec, en moins, 80% du public qui fréquente le conservatoire, avec une minorité. On va se retrouver rapidement isolé.
La question est de savoir si nos classes doivent rester fermées aux enfants.
Il existe des solutions. J’ai vu certains ateliers image-son avec des enfants ; moi-même je les pratique. Ils permettent d’accéder à une technique, à la fabrication de bruits. Bien sûr, on ne fait pas réellement de la composition, mais on espère bien récupérer ces enfants à l’âge plus mature pour les initier à la composition, leur transmettre un savoir, une esthétique, avec les acquis et le bagage technique qu’ils ont déjà.

Pour ce qui est des diplômes et notamment (comme Jean-Marc Weber l’évoquait) de l’homogénéisation avec l’épine dorsale de la technique, je voudrais parler du DEM.
Il est organisé dans la plupart des matières au niveau régional. Faut-il l’organiser pour la musique électroacoustique au niveau national ?
Et que met-on dans le DEM ? Quelles exigences avons-nous, nous enseignants ?
Est-ce que ce DEM ouvre droit à l’enseignement ?

Un autre aspect me semble important à soulever : celui de la place de la technologie dans le monde d’aujourd’hui.
Toutes les familles sont pratiquement équipées d’un ordinateur à la maison, ce qui n’est pas le cas des instruments de musique acoustique. C’est devenu financièrement beaucoup plus facilement accessible. Il y a encore 25 ans, avoir un Revox représentait une dépense importante.
L’ergonomie de nos studios a en été modifiée. L’ordinateur est désormais au centre et cela m’amène à poser plusieurs questions.
Quel est notre rôle d’enseignant face à cette situation ? Quelle pédagogie mettre en place avec l’informatique ?
Cela rejoint les remarques des étudiants qui demandaient des intervenants spécialistes. Nous, professeurs, sommes obligés de nous tenir au courant des dernières nouveautés, parce que nous avons des demandes des étudiants. Mais comment se former nous-mêmes face à ce développement des techniques informatiques ?
Faut-il faire appel à des structures extérieures, à des partenariats, ainsi qu’à des collaborations avec d’autres compositeurs ?

Le prochain point que je voudrais aborder est l’isolement.
Comment éviter l’isolement et les éventuelles fermetures de classes de musique électroacoustique ?
Doit-on développer l’interdisciplinarité, les échanges avec les autres arts ?
Enfin, comment convaincre nos mairies et nos présidents de Communauté d’Agglomération de l’importance capitale de notre enseignement ?
Nous sommes les seuls dans les conservatoires à enseigner une technique et la composition musicale ».

Laurence Bouckaert termine sur la question des musiques actuelles qui partagent avec la musique électroacoustique de nombreux outils. Elle soulève deux questions qui lui semblent essentielles :

Où, nous, enseignants et compositeurs, nous plaçons-nous par rapport à ces musiques actuelles ? Et les musiques actuelles ont-elles un avenir pour nos étudiants ?


Fernand Vandenbogaerde

Pour finir le tour de table, Fernand Vandenbogaerde est ensuite invité à prendre la parole, afin de pouvoir réagir aux interventions et éventuellement apporter des précisions.

En ce qui concerne la Villa Medicis, l’état de son studio (évoqué par Bertrand Dubedout) et les rares résidences de compositeurs de musique électroacoustique, Fernand Vandenbogaerde fait remarquer d’une part que la qualité du studio tient aussi à la mobilisation des compositeurs alors en résidence pour demander et obtenir du matériel auprès de la Délégation aux Arts Plastiques dont dépend institutionnellement ce lieu ; d’autre part, il fait savoir que peu, voire pas de compositeurs de musique électroacoustique déposent en fait des dossiers pour aller à la Villa Medicis.
Selon lui, cela se rattache à un problème plus large qui concerne la création musicale en général et tous les dispositifs d’aide publique existant : le nombre de dossiers déposés auprès du Ministère est en diminution très forte.
Parfois, aucun dossier n’est déposé, comme ce fut le cas des aides à l’édition en juillet dernier. Pour les Commandes d’Etat, pour lesquelles il existe une catégorie « électroacoustique » (non mixte), il a constaté très peu de demandes (8 à 10 dossiers au maximum sur un total de 160-170) et elles émanent le plus souvent des mêmes structures.

Aussi, pour Fernand Vandenbogaerde, il « est difficile de faire des propositions d’aménagement des dispositifs quand les demandes d’aide sont en perte de vitesse et en régression », et même « s’il y a énormément d’explications à cela ».
Il est ainsi d’avis qu’une « certaine vision de la création musicale l’emporte sur d’autres aspects beaucoup plus différenciés évoqués ici ».
Pour lui, la diversité et la différenciation des enseignements proposés en électroacoustique font partie de ces aspects : « Chaque professeur de musique électroacoustique (comme chaque professeur de composition en général) a ses entrées pour bâtir son enseignement. Cette disparité-là ne favorise pas l’émergence d’une base sur laquelle on pourrait se placer ».


(rédaction : Anne Veitl, novembre 2003)


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