Débat faisant suite à la Table Ronde des Journées de l’Electroacoustique 2005 au CNSMD de Lyon
dont le thème était :
Quel est l’accueil réservé à nos étudiants en composition par les grands studios et centres nationaux ? Quels sont leurs accès aux différents circuits de diffusion ?
Transcription et rédaction effectuées par Annick Alexaline et Christian Eloy
Avertissement des transcripteurs : l’enregistrement de ce débat a été réalisé sur mini-disc.
Malheureusement certains passages étaient inaudibles, ou difficiles à transcrire.
Malgré les différents moyens mis en place pour extraire les voix, nous avons pu commettre quelques erreurs,
nous vous prions de bien vouloir nous en excuser .Annick Alexaline, Christian Eloy.
Débat et questions du 11 octobre 2005
Modérateur : David Jisse
David Jisse
Nous allons tout de suite donner la parole à la salle et prendre les premières questions, la parole à Mme Christine Groult
Christine Groult
Question à Michel Pascal, je voulais savoir combien de temps vous laissiez entre vos 3 concerts de 40 minutes ?
Michel Pascal
Alors ça dépend, ça dépend à quelle heure on les met ! L’année dernière, c’était 18 h pour la première session, 20 h 45 pour la deuxième, 23 h pour la troisième, mais ça dépend… en fait le public passe d’une manifestation à une autre manifestation. L’année dernière, on a essayé de faire ça avec un planning très très serré, on avait entre 5 et 10 minutes entre chaque concert, on avait un peu peur que ça ne marche pas et ça a bien marché
David Jisse
Merci, allons y
Blaise Chabanis
Donc je m’appelle Blaise Chabanis et je représente le collectif des étudiants en musique électroacoustique (applaudissements). Il y a beaucoup d’étudiants de différentes classes qui se sont manifestés pour justement participer à la démarche et donc notre objectif est d’avoir au moins un représentant par classe dans les semaines qui viennent et donc d’arriver à constituer un réseau national, premièrement. Deuxièmement, effectivement, ça fait deux ans que ce collectif existe, et pour des problèmes techniques, on a failli déclarer l’association en juillet pas dernier mais juillet d’avant, et justement, et ça ne s’est pas fait pour, on va dire des raisons techniques. Donc j’en viens au fait pour essayer de recentrer le débat, pour rebondir un peu sur ce que vous avez dit sur les spécificités des différents centres, mais sur l’art, l’élément commun que moi j’y vois et l’ensemble de chacun, vu en tout cas d’étudiants comme nous qui sortons de différents conservatoires, vous représentez une part importante de ceux qui gagnent leur vie avec la musique électroacoustique, certainement de manière difficile puisque j’ai bien compris que les différentes subventions publiques dans le domaine de la musique contemporaine, j’ai bien compris que ce n’était pas évident aussi, donc vos positions ne sont pas non plus celles de notables que l’on connaît qui comment dirais-je, qui brassent des millions et des millions, la dessus on est extrêmement clairs. Donc à côté des professeurs, vous êtes les tenants de cette économie d’une certaine manière. Je pense même que vous avez aussi conscience que vous êtes les sélectionneurs du futur, c’est-à-dire que par les commandes que vous faites, par les concours que vous mettez en place, par la diffusion que vous organisez, c’est vous qui faites que des étudiants futurs deviendront un jour à votre place, sur la place de professeur. J’aurais voulu savoir, pour justement replacer le débat sur l’économie : quelle réflexion collective vous avez sur l’objectivité de cette sélection ? et particulièrement sur les domaines que j’ai cités. D’avoir les futurs postes qui peuvent exister, ou les futurs moyens de gagner sa vie, les commandes, les concours et enfin une dernière question à laquelle j’aurais bien aimé avoir des éléments statistiques et pas seulement ponctuels ; la proportion de filles parmi vous, parce que je vois 10 directeurs et une directrice. C’est important, je pense que parmi tous les nouveaux compositeurs qui arrivent, ou les élèves, j’ai vu qu’il y avait beaucoup de filles ; mais parmi les tenants économiques du monde électroacoustique, quelle est leur proportion et quelle réflexion vous avez pour que cette proportion change ?
David Jisse
Dans quel sens ? (Rires)
Je crois que ça va être difficile d’avoir une réponse collective parce c’est vrai que chacun, j’imagine la réponse précisément. Moi je réagis juste sur le terme d’objectivité, peut-être que ça doit faire aussi réagir mes collègues. Je pense qu’il n’y en a aucune. Il n’y a pas d’objectivité, mais curieusement, pour avoir tous, les uns et les autres, participé à des jurys et des concours, à des jurys de concours, très curieusement, je ne sais pas si c’est l’avis unanime, mais au bout du compte, on arrive tous, quelles que soient nos origines, nos manières d’aborder la musique, et notre parcours, à des accords, concrètement, on arrive tous à des accords, mais très très peu, il y a très très peu d’exemples, de cas, où on ait choisi de manière décalée les uns par rapport aux autres …
Blaise Chabanis
C’est pour ça qu’il y a des gens qui se retrouvent d’une structure à l’autre, dans les résidences, les concours etc …
David Jisse
Il y a quelque chose, très certainement, pas d’objectif, mais qui apparaît et qui fait l’unanimité parmi des parcours. Enfin je ne sais pas quelle est la réaction par rapport à ce type de démarche, mais moi j’ai ce sentiment là.
Christian Sebille
Non, simplement pour parler des studios, des studios électroacoustiques, chacun l’a dit, et je pense que l’on est de plus en plus sur une ouverture où on est largement sorti de la représentation, simplement technologique, acousmatique. Aujourd’hui l’électroacoustique est partout, mais pas forcement faite avec des moyens acousmatiques. La musique mixte est là, on soutient tous ces ensembles, et tout le monde a des résidences avec des ensembles. Je crois qu’il faut arrêter de mettre studio et électroacoustique accolés et peut-être dire, je reprendrais ce que disait James à propos du GRAME, c’est vrai qu’un studio c’est pas seulement du matériel, même moi s’il me semble que ça reste important, car tout le monde ne peut pas se payer un système octophonique d’un niveau forcément incroyable pour travailler, mais c’est vrai que l’accompagnement artistique, c’est-à-dire l’accompagnement de l’idée, de ce que tu disais sur le frottement est fondamental. Je prendrais simplement notre histoire, celle du studio CESARE sort directement de la Muse en Circuit. Par cette rencontre esthétique, par la rencontre avec Tom Mays, on s’est rencontré à la Muse. Voilà je crois aussi qu’il y a ces circuits là, qui sont des circuits de rencontres naturelles et parfois de filiation qui est esthétique, qui se font.
David Jisse
On va essayer de faire des réponses rapides, comme ça tout le monde pourra répondre
James Giroudon
Je pense que sur l’ouverture, et sur la diversité des actions des étudiants, il y a une plaquette qui va sortir qui regroupe les 4 centres nationaux, qui sont à Bourges, Marseille, Nice et Lyon et 3 centres de créations, Reims, Albi et la Muse en Circuit. Et cette plaquette qui est sous presse, fait l’état sur les 2 ou 3 dernières années des noms de compositeurs, des commandes, des noms des compositeurs en résidence, du nombre de créations. C’est des chiffres qui sont par centaines, et je crois que la lecture des chiffres et des noms, alors, il y a des jeunes et des moins jeunes, ça fait partie de l’ensemble de la vie musicale, montre bien que l’on n’est pas dans des circuits fermés, et d’habitués qui passent de l’un à l’autre, même s’il y a des compagnonnages, et ça c’est important, il y a des réseaux, des synergies qui se montent entre les différentes structures. Je crois que l’on travaille de plus en plus en réseaux d’ailleurs en ce qui concerne ces structures-là, je crois que c’est une bonne chose. C’est un réseau, que le Ministre d’ailleurs a annoncé dans sa conférence de presse à Musica, c’est un réseau qui doit être consolidé et étendu, c’est-à-dire que ces réseaux sont les Centres Nationaux, de 4 on va devenir 7 dans les années à venir etc . Donc je pense que ça va dans le bon sens, mais il faut voir aussi quand même que dans la vie musicale, on pèse pas lourd, que la création, c’est tout petit et la création dédiée aux nouvelles technologies ou en relation avec une certaine contemporanéité des choses, on gère des budgets qui sont tout à fait minuscules par rapport à des institutions musicales dont la mission essentielle est de conserver le patrimoine. Donc là-dessus, il y a, je dirais, un rapport de force que tous les acteurs sont invités, bien sûr, à le créer. Moi je voudrais ajouter aussi une chose, par rapport aux nouveaux métiers, par rapport à la production. Tout d’abord on a parlé des assistants musicaux etc … il y a aussi une chose, je crois que c’était repris dans, je crois que c’est une proposition qui a été faite dans le rapport de l’assurance, qui a été fait l’année dernière, il y a eu un audit sur la vie musicale en général, il y a eu une recommandation, je crois qui parlait d’associer des jeunes compositeurs qui sortaient ou qui étaient encore dans des cycles de formations, des conservatoires, notamment les CNSM, et d’associer par rapport aux centres, aux studios, de les associer aux productions. C’est-à-dire qu’il y ait des sortes de stages, pré-professionnels ou professionnels où sur une production particulière, un jeune compositeur serait là pour voir un petit peu tous les métiers, d’abord parce que c’est un métier aussi à apprendre, à monter des productions, et puis surtout, se rendre compte des tenants et des aboutissants de tous les tiroirs qu’il faut ouvrir, qu’il faut refermer, entre-ouvrir etc … de tout ce qu’il faut arriver pour partir du projet jusqu’à la réalisation en concert et sa diffusion aussi, ça vit et je crois que ça c’est un long parcours, un petit peu aussi au cœur de nos missions et je crois que cette idée d’avoir, d’associer un stage de professionnalisation des étudiants en fin de parcours, à ce réseau, à ce cycle, à ce travail-là, me parait être extrêmement intéressant. Je crois que pour l’instant ce travail a été repris dans les initiatives, mais en ce qui me concerne, en tous les cas, en tant que responsable du GRAME, et les autres collègues aussi, on serait tout à fait ouvert à ce type de pratique.
Christian Eloy
D’une part, je félicite cette association des étudiants que nous souhaitons tous, on en a vu une première émergence, on souhaite très vivement que ça prenne corps cette année. Et puis, il en faut un, je vais me coltiner à cette question de la parité garçon/fille. Bien sûr c’est quelque chose que l’on a tous vu dans nos classes, on a vu de plus en plus de filles qui y prenaient place. Tôt ou tard, je souhaite que ce soit plutôt tôt que tard, on verra aussi des filles, des femmes qui prendront des responsabilités au niveau des studios …
Elzbieta Sikora
C’est le cas à Bourges depuis un certain temps …
Christian Eloy
Voilà … et dans la salle et je dirais c’est aussi le cas au SCRIME à Bordeaux, ma collègue directrice scientifique est une femme. Donc il y a une présence féminine partout, soyez rassurés là-dessus et je pense qu’il y en aura de plus en plus
Denis Dufour
Sur le principe d’assistant, moi je trouve intéressant, c’est ce que disait James, effectivement, c’est comme ça que j’ai commencé au GRM, c’est en assistant les compositeurs du GRM, parce que ceux qui sont dans la place ne sont pas toujours au fait des nouvelles technologies ; quand on est jeune, on a envie de tout, on est passionné, donc voilà, on se documente, on est passionné donc on sait mieux. Donc j’ai aussi bien assisté Bayle que Reibel que tenez-vous bien Marcel Landowski pour une oeuvre, où il avait mis un bout de bande magnétique dans son concerto pour trompette et que c’est comme ça que l’on se forme aussi, et c’est vrai que les studios s’ils pouvaient accueillir en stage des jeunes compositeurs pour assister, parce que eux savent des choses que les moins jeunes n’ont pas envie de savoir ou d’apprendre, bref, ça va plus vite, donc ça serait bien ça de le développer. Et je signale aussi, ça serait peut-être de regarder de plus près, à Bâle, au conservatoire de Bâle, Thomas Kaesler avait créé une classe spécifique d’assistants musicaux, où il faisait vraiment tout le cursus, complet donc, aussi bien artistique que technique sur plusieurs années. Alors, je ne sais pas très bien où ça en est, mais ça fait déjà longtemps qu’il y avait cette classe à Bâle pour pouvoir apprendre à être assistant.
Reina Portuondo
Je trouve très bien ce que tu viens de dire et je te rassure je gagne pas ma vie comme soniste à Musica, ma vie je la gagne comme interprète de la musique électroacoustique, mais sinon je crois qu’il faudrait trouver de nouvelles manières, de se mettre d’accord pour la diffusion parce que je trouve que c’est une préoccupation pour les nouveaux compositeurs, les compositeurs plus jeunes qui se retrouvent devant une situation, dont je ne sais pas si c’est la faute à nos anciens, à nous, à la situation sociale parce qu’il y a aussi moins de subventions, ou dans des lieux c’est la confusion la plus totale dans la diffusion de toutes les musiques, les musiques actuelles. J’ai participé à Nancy à un cycle de formation de musiques actuelles, et il y a beaucoup de confusion, tout le monde a ses problèmes et c’est la diffusion de la musique qui en souffre ; donc je pense que c’est très pertinent ce que tu viens de dire. Il y a cette association de compositeurs, je pense que vous pouvez faire aussi un travail pour changer un peu les choses et changer aussi vis-à-vis du public, changer vis-à-vis des institutions, du ministère et aussi des programmateurs. Parce que c’est vrai que toutes ces structures qui existent, sont dirigées par des gens qui sont déjà depuis quelques années les maîtres et il faudrait quand même donner du nouveau pour pouvoir mélanger les générations. Je ne vais pas dire les sexes, parce qu’être une femme ou un homme qui dirige quelque chose c’est pas franchement, moi je m’entends très bien avec des hommes et je n’ai aucun problème là dessus (rires) je sais que des compositeurs femmes il y en a beaucoup et il faudrait carrément que toutes les générations se mélangent, chacun dit son mot et on verra.
Michel Pascal
J’avais une question pour rebondir sur ce que tu disais sur les assistants musicaux et sur ce qui a été dit, c’est pas le seul endroit, je crois que l’on a les mêmes préoccupations aussi que les deux autres personnes qui vont parler de formations spécialisées pour assistant musical. Je me pose la question et je vous pose la question : qu’est-ce que c’est une formation spécialisée ? Qu’est-ce que c’est les compétences d’un assistant musical ? La manière dont le décrivait Denis Dufour paraissait assez claire parce qu’elle correspond à une pratique qui existe dans notre métier, c’est-à-dire, c’est un compositeur qui n’a pas la notoriété d’avoir ses propres productions qui vient assister un compositeur qui lui a une notoriété plus importante. Donc, de ce point de vue là, nos classes de composition électroacoustique sont censées former les gens qui sont capables d’être assistants d’autres compositeurs. Est-ce que l’on va vers un autre type de classe, un autre type de formation, dans lequel on formerait quelqu’un pour quels types de compétences, qui ne serait pas compositeur ou qui ne serait pas destiné à être compositeur mais destiné à être seulement un assistant. Et la chose qui est au delà de ça, c’est peut-être même l’organisation de notre propre vision de la composition musicale, on a un métier qui est très artisanal, que l’on pratique en général en solitaire, d’une manière très individuelle, même si l’on est assisté pour ce métier, ce qui n’est pas le cas par exemple dans le cinéma ou la vidéo où on a des équipes, et où le créateur, le metteur en scène a une équipe de gens spécialisés, qui sont tous finalement des assistants et des artistes en même temps. Est-ce que l’on doit aller vers un autre type de fonctionnement qui est un fonctionnement de groupe ou est-ce que l’on doit rester dans une vision très artisanale de notre métier ?
Jean Favory
C’est bien que l’assistanat vienne dans le débat, ça fait quelques années j’avais essayé d’ébaucher à Annecy une formation qui est une option en fait dans le DEM sur l’assistanat musical et qui sur le plan personnel serait limité. Et on a dit effectivement, on se posait la question de la nécessité d’avoir des centres de création aujourd’hui parce que tout le monde est équipé. Le problème c’est pas tellement les équipements, mais qu’est-ce que l’on fait des équipements et on le voit bien, on n’a pas toutes les compétences pour pouvoir tout connaître à fond et je pense que c’est là dessus qu’il faut jouer, sur la spécificité d’une formation d’assistant musical, entre les musiciens et des compétences techniques très développées, très poussées …
Michel Pascal
Et qui serait capable de connaître tout et tout ce qu’il y a à savoir ?
Elzbieta Sikora
Il y a aussi des jeunes qui franchement n’ont pas tous la vocation ou la volonté de devenir des grands compositeurs, grands entre guillemets, qui voudraient, qui sont contents de rester assistants toute leur vie. C’est très louable, c’est extrêmement utile pour nous tous. Je pense que c’est plutôt intéressant de pouvoir développer ça.
David Jisse
Juste une précision. Je crois qu’il y a ambiguïté sur le mot assistant, il y a deux sens à ce mot. Il y a le mot assistance technologique, un compositeur arrive et dit voilà, je voudrais bien que ça fasse comme ça, comme ça, comme ça, il y a un logiciel, comment je pourrais arriver à faire que cette chose là se passe. Donc l’assistant vient et répond à cette question parce que le compositeur d’une certaine manière, soit, accède à la technologie, soit, il n’y accède pas et délègue le savoir technologique auprès du compositeur ; on a un patch qui fait ci, qui fait ça, mais il y a aussi l’assistance que l’on a connue tous, et qui continue à être importante qui est cette sorte d’assistance, d’intimité avec le langage du compositeur, qui est cette sorte, d’être dans une sorte d’apprentissage personnel, pour soi même, en écoutant le travail du compositeur et qui lui n’est pas très lié formellement à la technologie, qui est d’une autre nature. Il est en lien avec la technologie mais ce n’est pas exclusif, donc il y a les deux sens du mot ; je ne sais pas, TOM pourrait réagir là dessus, parce qu’il a été dans cette double position, il a été pendant longtemps considéré comme assistant musical et maintenant compositeur et c’est très intéressant de jouer sur ces deux termes et de ne pas les confondre. Une formation va devoir tenir compte de ces deux données, à la fois des apprentissages technologiques effectivement utiles et en même temps une autre donnée qui est plus difficilement transmissible qui est celle de cette intimité avec le langage du compositeur. Pour terminer avec ces propositions qui pouvaient être faites à cette nouvelle structure naissante. Pourquoi ne pas compiler l’ensemble des concours qui existent déjà pour tous les étudiants ? L’ensemble des postes à pourvoir, parce que c’est vrai que parfois, on demande, et on ne trouve pas, puis faire écouter les oeuvres, faire la circulation de l’écoute des oeuvres, ce sont des choses aussi qui nous sont très utiles. Moi je vois, j’ai une double casquette radiophonique et de production, c’est vrai que c’est intéressant de voir arriver ces œuvres, soyez sûrs, on les écoute et on les choisit …
Je crois qu’il serait intéressant d’entendre la réaction de Tom sur ce problème des assistants
Tom Mays
Il y a bon nombre de compositeurs qui sont plutôt portés sur la technologie, ce qui est plutôt mon cas, qui essayent de gérer une vie de création en même temps que beaucoup d’années d’assistance. Maintenant je fait peu d’assistance, et c’est vrai que on a tous envie de créer, tous, je pense que la durée de vie d’assistant est limitée, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas encourager un jeune compositeur à faire ce travail-là pendant un certain temps, c’était la formation la plus forte de ma vie, j’ai fait plusieurs années à l’IRCAM dans l’informatique musicale, 70 heures par semaine, il n’y a pas de meilleure formation, je pense. Sinon, il y a tout à fait le profil d’un musicien, par forcément avec des grandes ambitions de composition, mais qui a beaucoup d’intérêt dans la technologie, qui là peut ressembler parfois à un ingénieur du son qui s’intéresse beaucoup à la technologie. Au C.N.S.M. la formation de FSMS (Formation Supérieure aux Métiers du Son), ils ont tendance à se tourner vers l’assistanat il y a même un étudiant au FSMS qui est devenu assistant musical au CIRM, voilà je ne sais pas si je rajoute … il y a beaucoup de cas différents
David Jisse
Il y a Bernard et François qui voudraient parler
François Roux
A Sonus ici au C.N.S.M. de Lyon, il y a une filière qui dure 2 ans et demi, pour des gens qui viennent là disons dans un but … c’est-à-dire on recrute sur le concours d’entrée et les gens cochent leurs désirs, il y a des gens qui sortent de classes d’électroacoustique, donc ils ont fait de la composition, et qui désirent rentrer chez nous et cochent la case pour un cycle de formation technique. Alors en fait c’est assez divers parce qu’on a accueilli des gens qui s’étaient spécialisés dans la prise de son et qui ont terminé, qui maintenant sont à France 3, mais qui sortaient des classes de composition, et puis on accueille des gens comme Serge Lemouton. On a eu, l’année passée, je ne retrouve plus son nom, un flûtiste qui était ici, qui a passé son prix, brillamment d’ailleurs, et puis qui a décidé de ranger la flûte, mais alors vraiment du jour au lendemain et qui a embrayé sur une formation qui a duré deux ans et demi, ici, et qui est quelqu’un qui a plongé dans la programmation et qui maintenant est en contrat permanent à l’IRCAM, je ne me souviens plus son nom… Thomas Quefer ? on a eu beaucoup de monde comme ça depuis Serge Lemouton en 88 jusqu’à maintenant ; il y en a eu toutes les années, on a sorti quelqu’un qui se trouve dans les studios …
Sébastien Tworowski
Déjà, je m’appelle Sébastien Tworowski, j’ai étudié avec Michel, je suis maintenant depuis 2 ans ici, justement dans le cycle que vient de décrire François ROUX en recherche appliquée, dans ce fameux cycle de deux ans et demi. Alors déjà je me réjouis que le GRAME aille dans le sens d’accueillir éventuellement une formation des assistants, parce que c’est quand même un petit peu le but de cette formation ici au C.N.S.M. ; en général, ce sont des compositeurs qui viennent ici, ce sont des gens qui ont fait des études de composition électroacoustique et qui se destinent un petit peu plus à creuser dans le côté du développement informatique, programmation, à destination des compositeurs et à la composition électroacoustique. Donc, je très content que vous alliez dans ce sens-là, et à mon avis, ce serait vraiment quelque chose qui serait un plus. Déjà, très bien ce qu’il y a ça ici à SONUS mais je pense que vraiment un plus, ce serait justement de participer avec le GRAME qui est à Lyon, ou l’ACROE qui n’est vraiment pas loin, faire justement ce principe de stage d’insertion professionnelle plus ou moins, même si ça fait un peu plus ou moins ANPE, ça serait vraiment bien de rentrer dedans. Plus de passer vraiment à la pratique plus qu’à de la théorie et ça vraiment je trouve que quelque part ça nous manque un peu et moi je serais vraiment, je suis tout à fait demandeur de ça, je trouve ça très bien, et il faut penser, donc pensez bien, qu’il y a une classe d’acoustique au CNSM en recherche appliquée et qui peut vraiment, qui forme des pseudo-assistants au niveau musical. Voir mon mémoire sur l’enseignement de la musique acousmatique.
Bernard Fort
Bien très vite, sur cette question d’assistant, je me faisais la réflexion que j’ai du mal à imaginer un vieil assistant, pour moi un assistant est toujours jeune parce que je suis à peu près persuadé que c’est un métier transitoire. Denis l’a très bien expliqué, c’est que quand on est jeune, on est plein d’enthousiasme et on est content de voir des vieux compositeurs qui vont nous apprendre, et qui vont échanger un certain nombre de choses, et nous on a des connaissances technologiques et des connaissances pointues, puis une forme de rapidité de l’esprit qui fait que l’on va vite, mais Denis, je pense que son objectif, c’était lui d’être compositeur un jour, et de lâcher progressivement ce rôle d’assistant. Je pense que c’est quelque chose de transitoire et que si on devait former des assistants à vie au bout de quelques années, l’assistant ne pourrait pas être quelque chose d’autre, qu’un personnage complètement aigri, complètement frustré, de ne pas avoir accès lui-même à la création, de toujours revendiquer le fait que c’est lui qui a tout fait et que c’est l’autre qui a signé, etc … Donc, j’ai du mal à imaginer ce processus-là. Et j’ai aussi du mal à l’imaginer parce que responsable du G.M.V.L. , quand je vois un compositeur qui va venir travailler dans notre studio, s’il commence à annoncer qu’il n’est pas autonome, pour moi c’est le début d’une catastrophe. Je souhaite l’autonomie du compositeur aussi, qu’il sache se dépatouiller avec les questions d’ordre technique et s’il n’y arrive pas, je pense que l’assistant fait le travail d’un très bon régisseur, la qualité numéro 1 du très bon régisseur, pour moi, outre l’énergie musculaire et intellectuelle etc … c’est sa très grande transparence. Et je sais qu’en tant que compositeur, si on me collait un assistant, j’attendrais de lui de ne pas trop exister …
James Giroudon
Plus précisément, je pense que ce genre de pratique doit se mettre en place, soit, c’est au coup par coup, soit, c’est dans le cadre de conventions. Je souhaiterais qu’il y ait une réflexion pour qu’il y ait un cadre qui existe et qui puisse se mettre en place. A ce niveau là, effectivement, l’assistant, enfin le jeune compositeur, pour le compositeur et pour la réalisation musicale d’un concert, la chaîne, mais je parlais aussi d’un assistant de production, parce qu’on a ici au conservatoire, au CNSM en particulier, un jeune compositeur il a tout à disposition, il a les moyens, les studios, il y a les musiciens, il y a l’organisation administrative pour faire les concerts etc … et puis, à mon avis dans la pratique, ce n’est pas comme ça, comme vous le savez et il faut se battre, je ne dis pas que les musiciens ne se battent pas, enfin vous voyez ce que je veux dire, néanmoins la réalité est autre. C’était le conseil qui disait en dehors du contenu musical, l’assistance, spécifiquement auprès des compositeurs en studio ou en création, c’était comment approcher d’une façon plus concrète le montage d’une oeuvre musicale, parfois il y a des oeuvres simples … en même temps il y en a qui sont beaucoup plus complexes que ça et de voir quels sont tous les moyens, la chaîne administrative, la chaîne de production, la chaîne technique etc… C’était aussi dans ce sens là, c’était le deuxième aspect, ça ne débouche pas forcément sur des métiers, des jeunes compositeurs mais ça permet au moins de prendre conscience de ce qu’est la réalité musicale. Maintenant je voudrais revenir sur l’histoire d’assistant, parce qu’il y a différentes façons de le définir, je pense qu’il y a beaucoup de définitions, il y a des cas très différents, mais je pense surtout qu’il faudrait essayer, il y a un truc qui plane, c’est l’égo du compositeur. Alors je crois qu’aujourd’hui la création musicale a muté, elle va continuer à muter, elle va se transformer, sur différents types de territoires, avec différentes emprises sur différents moyens d’expression et je pense que le métier de compositeur évolue aussi et que le compositeur de musique sérieuse, s’avance, c’est un peu un des seuls artistes qui travaille finalement tout seul, la plupart du temps, qui a ses goûts aussi développés, généralement, et que dans le cinéma ou d’autres formes musicales, il y a une équipe de création qui se met en place. Et la plupart du temps maintenant dans un certain nombre d’œuvres qui font appel à différentes formes d’expression, c’est une équipe de réalisation qui, ici, il y a des gens qui ont plus de compétences musicales ou plus de compétences sur l’image etc… Et je crois qu’il y a un réseau un peu inexplicable où le rôle, le degré des responsabilités n’est pas aussi simple que ça et je pense que là le compositeur a beaucoup à apprendre aussi à se mettre en face de ces réalités. Il y aura toujours des oeuvres qui se feront où le compositeur sera face à face à sa feuille de papier ou en studio, et puis il va réaliser son œuvre, ça existera toujours, il ne s’agit pas de dire ça c’est vieux, ça c’est ringard, non ça c’est toujours la réalité mais il y a aussi d’autres réalités qui se mettent en place depuis déjà pas mal de temps et je pense qu’il faut que l’on prenne conscience et que l’idée de l’assistant, c’est ce que disait Bernard, un peu aigri parce que … moi je pense, il faut le considérer dans un périmètre plus large, qui est l’idée de la mutation du métier de compositeur, et je pense que ça c’est un des points tout à fait essentiels sur lequel il convient que l’on réfléchisse tous ensemble.
David Jisse
Les centres que nous représentons, ces structures ne sont pas des citadelles, il ne faut pas penser que ce sont des citadelles fermées, en tout cas en ce qui me concerne, elles peuvent donner cette impression, effectivement j’entends bien, parce qu’elles sont dotées de moyens, mais c’est très important de sentir la pression permanente, ce n’est pas de la démagogie de dire ça, de sentir cette pression permanente de l’activité de la jeune composition qui dit quoi, comment qu’est ce que vous en pensez, qu’est ce qu’on peut faire ensemble ?
Elzbieta Sikora
Juste une seconde, je pense qu’il n’y a absolument rien de péjoratif dans la dénomination d’assistant musical, aujourd’hui il y a plein de nouveaux métiers qui se créent dans la musique, évidemment c’est souvent une position transitoire, rien n’empêche l’assistant musical à chaque moment de devenir compositeur surtout s’il l’a toujours été, mais une formation qui serait plus poussée sur la technologie serait peut être souhaitable pour le jeune qui commence une vie professionnelle. Encore un petit mot sur le mot citadelle, c’est-à-dire que le jeune n’ose pas vous contacter, vous, centres de création qui paraissent un peu inaccessibles, et là évidemment d’une façon générale, répondez aux lettres, répondez à des choses qui vous sont envoyées, parce que souvent il n’y a pas de réponse…
Gino Favotti
Un petit commentaire, là on est dans une enceinte officielle avec l’argent de l’état etc . c’est-à-dire moi ce que je reçois dans ma classe ce sont des compositeurs qui n’ont pas l’accès aux studios que vous représentez, peut être parce qu’ils ne les connaissent pas suffisamment, mais pas simplement, c’est que le niveau du professionnalisme des étudiants est bien plus élevé que celui que nous avions, nous, et donc la demande n’est plus celle-là, c’est un fait, alors elle existe toujours pour des cursus traditionnels et classiques mais pas pour la majorité. La majorité font leurs concerts avec leurs outils ou achètent les outils quand ils le peuvent, c’est ça la réalité des classes d’aujourd’hui, et là il y a un vrai problème parce que vous parliez de transversalité entre les musiques tout à l’heure, mais il n’y a pas de transversalité, la musique électroacoustique est purement et simplement pour disparaître, je parle de la musique pour support, l’acousmatique, peu importe, s’il y a des créations musicales, mais la réalité est un peu celle ci ; alors ceux qui veulent faire de la musique électroacoustique aujourd’hui, ils ne vont pas dans vos studios, ils vont monter leur propres structures, très indépendantes, la musique électronique a aidé beaucoup à ça, et tant mieux ; ce que je pense c’est que ce que vous représentez devrait créer aussi un lien économique avec le privé, c’est-à-dire pas sans arrêt à penser à vos subventions mais travailler dans un truc beaucoup plus large, je sais qu’un certain nombre d’entre vous le font, je connais mieux Elektrophonie, il n’y a qu’Elektrophonie ici qui travaille sur l’acousmatique et l’électronique, mais là aussi il y a une confusion à ne pas faire entre les classes, vous parliez de musique électroacoustique mais de quoi on parle quand on parle de musique électroacoustique, il y a des classes très différentes, et aujourd’hui mon problème c’est pas la musique électroacoustique, c’est le développement de la musique acousmatique qui est un développement sur les médias, or les médias il n’y en a plus, d’accord ? c’est peut être là-dessus que tous ensemble on ait un regard et une analyse, entre ce que les étudiants proposent avec vous les représentants d’institutions plus ou moins dotées et nous enseignants ce qu’on peut faire entre nous tous ?
Tom Mays
Je pense que la profession, la professionnalisation d’assistant musical comme métier, ça peut servir justement à ne pas avoir d’assistants aigris et frustrés et que j’en connais au moins deux de très professionnels, et je cite leurs noms : Serge Lemouton et Eric Daubresse qui travaillent à l’IRCAM, qui ont aidé des compositeurs si on peut dire et qui se sont vraiment professionalisés et qui s’épanouissent dans le métier d’assistant musical et qui le font très très bien, qui ne sont pas frustrés ni aigris. Et je pense qu’une des choses importantes pour ça, c’est justement la clarification de ce que c’est et les différentes façons d’être assistant musical et les différentes directions que ça peut prendre. A Reims, c’est effectivement la position transparente vraiment qui aide le compositeur à réaliser ses idées, qui pour moi est l’interprète de leurs idées et il faut dans ce cas là que le compositeur ne fasse pas de demande de réalisation musicale à cette personne ; sinon, on peut imaginer que la composition mûrit au point où on peut dire que l’on ne compose pas forcément tout seul, et que l’on a quelqu’un, un compositeur créateur, mais qui maîtrise la technologie qui collabore, et ça c’est encore autre chose …
Reina Portuondo
C’est vrai que cette notion d’assistant, on la voit maintenant différemment parce qu’il y a encore, je ne voudrais pas dire des vieux compositeurs, mais des compositeurs qui n’ont pas été confrontés à certaines technologies qui se sont développés très rapidement, normalement les jeunes compositeurs ont plus de facilité à se familiariser avec ces nouvelles technologies, déjà avec l’ordinateur, les enfants savent déjà comme ça fonctionne, tout petits. Donc je pense que l’aptitude a changé et je rejoins Gino et je voulais simplement dire et rebondir sur l’interprétation de la musique, parce que l’on parle encore de composition mais pensons aussi à la programmation, à la diffusion et le travail d’assistant, c’est très bien mais je pense que les compositeurs en détresse qui ne trouvent pas .. enfin, on ne peut pas vivre d’être compositeur, ça on le sait. Dans les sections de trois ou quatre personnes, on ne peut pas vivre d’un métier qui est tout à fait respectable … ça existe, il faut le développer. Luttez surtout avec la nouvelle association, je pense que l’on peut aussi revendiquer qu’un compositeur doit vivre de sa musique, de sa création, c’est quelque chose de très important et j’invite l’association, si vous voulez, à prendre contact avec moi, sans argent, avec de l’argent, je pense que l’on pourrait monter quelque chose, on pourrait créer des programmations, vous serez les maîtres de la programmation, mais ce que je ne veux pas c’est surtout qu’un compositeur se lève, qu’un autre s’assoie, et un autre se lève pendant les concerts pour diffuser les oeuvres ; ce que je souhaiterais c’est qu’il y ait une personne qui gère la partie artistique, c’est-à-dire la projection sonore si c’est de la musique acousmatique ; une seule personne, parce qu’un concert c’est une cérémonie, on fait venir les gens, on n’est pas là pour faire défiler des compositeurs, donc on aura des oeuvres, on aura surtout la musique, et la musique ça se fait avec des interprètes, ça peut être un compositeur par hasard ou des gens qui se formeront pour ça, comme on est en train de parler de métier, des assistants mais pas compositeur …
Michel Pascal
C’était juste pour rebondir sur ce que disait Tom par rapport à l’assistant. Il indiquait qu’au CIRM il y avait un assistant musical qui était à demeure qui faisait partie de la structure pendant 2 ans et que le choix de François Paris a été de se séparer du poste d’assistant musical lié à la structure pour considérer que l’assistant musical était une sorte d’interprète, quelque chose que l’on pouvait assimiler à l’interprète et faire venir des assistants différents en fait, un par production. Donc moi c’est un choix auquel j’adhère, je trouve que c’est plus intéressant pour deux raisons. D’une part parce que effectivement ça permet à plusieurs personnes de travailler dans la même structure et surtout ça permet d’avoir des compétences diverses. J’imagine mal un assistant musical aussi jeune soit-il et aussi travailleur soit-il et aussi talentueux soit-il, maitriser la totalité des technologies qui sont complexes et qui sont données au moment où le compositeur les veut, et si on doit le former pour ça, s’il doit être formé pour pouvoir apprendre, j’imagine mal qu’il ait le temps d’apprendre pendant le temps de la production, donc ça me parait normal qu’il y ait des compétences qui soient vraiment spécialisées ou individualisées et que effectivement peut-être que l’on va vers l’éclosion d’un type d’assistanat dans un type de spécialité vraiment très particulier de la technologie qui va être en évolution constante. Alors du coup, ça pose le problème de la formation ; comment forme-t-on ces assistants, quel type de poste ça représente, à mon avis, il y a beaucoup de zones de vide, et pour l’instant on n’a pas vraiment de réponse, on a une activité, on a la réalité du fonctionnement, mais maintenant mettre au point un enseignement structuré, du type dont celui dont parlait Claude tout à l’heure pour son projet à lui, ça me parait très compliqué. Quant à la programmation de la musique acousmatique, nous aussi on en fait, Motus en fait, Elektrophonie en fait, c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de lieux qui en font, mais je crois quand même qu’il y a peut-être plus de lieux qui en font aujourd’hui que ce qu’il y avait il y a quinze ou vingt ans. Maintenant, est-ce que l’on a vraiment de la musique acousmatique, moi je serais bien incapable de le dire.
Gino Favotti
C’est la réponse que l’on entend depuis vingt ans, avant il y avait moins que avant, avant tout le système était conçu, repose toujours sur le fait que avant il y avait peu de compositeurs.
Oui je disais que l’argument que tu évoquais qu’il y a plus de musique acousmatique aujourd’hui, c’est vrai, c’est un fait, il y a plus de compositeurs. Il y a 10 fois plus de compositeurs. Sauf que toutes les structures reposent sur le fait qu’il y ait très peu de compositeurs. Alors, je ne sais pas si j’ai loupé un peu du début, mais sur l’histoire de la vie par exemple … je ne sais pas dans quelle société, en fait, les compositeurs vivent de leur musique. J’en connais pas. Ils vivent de l’interprétation, les compositeurs, c’est un truc un peu particulier … le compositeur … en plus dans la musique électroacoustique. En fait le compositeur, le problème est là, on est confronté, on vit dans des structures qui ont été établies il y a 60 ans, qui ont commencées avec le GRM, qui se sont après éparpillées avec d’autres studios plus petits d’ailleurs que vous représentez. Oui il y a eu … et aujourd’hui en fait, on a face à nous des étudiants qui ont une autre éducation, qui savent que de toute manière, ce n’est pas dans ce système-là qu’ils vont pouvoir continuer à travailler, économiquement, mais qu’il faut qu’ils gèrent une nouvelle économie, enfin ils doivent tout créer, c’est fantastique en même temps, c’est extraordinaire. Et il y a plus de concert, mais par rapport au nombre de compositeurs qui sortent, il y en a toujours très peu.
David Jisse
Juste un mot, il y a Francis, il y a Denis qui ont demandé la parole, juste un mot sur l’adossement aux structures, et j’entends bien ce que dit Gino et je crois que effectivement les choses ont muté et que les économies et la manière d’être dans la profession est une forme d’indépendance. Par contre je pense que des structures que nous représentons ont peut-être elles aussi muté quant à leur rôle et que l’avancement des compositeurs par rapport à ces structures a peut-être changé de nature mais il reste indispensable quant au faire-savoir. Peut-être mieux au savoir-faire, parce que le savoir-faire est devenu maintenant très individualisé et potentiellement autonome. Par contre, les courroies de transmission que l’on représente et surtout les mises en relation et les frottements esthétiques, on reprend cette idée-là, est absolument indispensable surtout dans un monde de médiatisation qui a besoin justement de visibilité, et ce n’est pas pour forcément passer par les fourches caudines des centres de création, bien sûr que non, mais au contraire, ce sont des moteurs pour alimenter la pompe.
Francis Faber
Moi je suis étonné que l’on parle pendant une heure de l’assistant. J’avais le sentiment, en voyant la salle hier, que les gens avaient envie de faire de la musique. Et alors, faire de la musique ça veut dire la diffuser forcément. Les choses ont beaucoup changé et dans la technologie et dans l’approche du home studio et les choses ont aussi beaucoup changé sur le territoire français, dans l’approche de l’attribution des subventions, et moi il me semble que vu l’atomisation des décisions aujourd’hui et vu que l’argent est en région et dans les départements, moi le meilleur conseil que je puisse vous donner, c’est « allez-y », vous, allez demander de l’argent parce que si vous allez demander de l’argent, nous on n’aura pas beaucoup moins, je crois. Mais, c’est à vous de le faire, c’est-à-dire c’est plus important peut-être d’avoir une association d’étudiants aujourd’hui qui booste et qui dise, un peu partout, mais plutôt, je ne sais pas, l’association des maires de France, plus qu’au ministère de la Culture, qui dise, on est là, on a besoin d’exister, c’est vous qui représentez cette énergie qui a été celle que nous représentons, moi je suis vieux, j’ai 50 balais … et donc forcément, c’est à vous de pousser la machine … Il faut que vous y alliez, vous, il faut nous casser la figure
Denis Dufour
Je voulais justement appuyer sur ce que disait très justement tout à l’heure Gino, sur le fait que la réalité dans la plupart des classes, on a une production majoritaire de musique acousmatique et on le voit aussi dans les concerts qui sont là et que les centres ne proposent pas majoritairement ce créneau-là dans leur programmation et les festivals non plus puisque les concerts acousmatiques c’est souvent très tard le soir ou très tôt dans l’après midi et dans des salles qui n’en sont pas vraiment, dans le hall ou sur le côté, donc c’est vrai que l’acousmatique n’est quand même pas beaucoup prise en considération dans les programmations en festival en général et pourtant, de nos classes il sort principalement des musiques acousmatiques parce que économiquement c’est plus accessible. Alors soit on pense que les studios poussent les jeunes créateurs à aller vers d’autres orientations, parce que l’on nous dit tout le temps « oui mais maintenant c’est pluridisciplinaire, c’est transversal, les gens préfèrent ça », c’est un peu comme si on nous disait, il y a des gens qui préfèrent le beurre blanc ou le beurre jaune, etc. donc on change la fabrication au fur et à mesure de ce que les gens sont supposés préférer. Il s’avère qu’à la sortie des classes, les compositeurs ne préfèrent pas forcément faire des oeuvres multimédias transversales et cie. Donc ça il faut le prendre en compte, c’est la réalité de ce que l’on observe. Alors que les studios proposent la possibilité d’avoir des ambitions multidisciplinaires, pluridisciplinaires ou multimédias, c’est bien mais il ne faudrait pas non plus restreindre l’envie, toute simple peut-être, de faire des oeuvres acousmatiques et de dépasser là encore le format acousmatique, un peu standard, de l’œuvre de 10 minutes mais de passer à des longs métrages et là je voudrais revenir sur une autre idée qui a été évoquée, c’est qu’effectivement, c’est une musique qui peut se faire comme au cinéma, moi-même je l’ai fait déjà sur plusieurs pièces, j’ai parfois un générique assez long de participants à mes propres musiques, il y en a pour les effets spéciaux, c’est-à-dire les choses que moi je ne sais pas faire avec les logiciels parce que je ne les connais pas et puis il y en a tellement que je demande parfois à Jonathan, voilà, je voudrais un truc qui fait comme ça, bon, il le fait. Il y en a d’autres pour des prises de sons que je ne peux pas faire parce que je ne peux pas voyager partout, il y en a d’autres pour certains types de fabrication ou même d’agencement etc… Et donc on peut effectivement pour cette musique, mais à condition d’être dans du long métrage, fabriquer un spectacle sonore, acousmatique et qui si les festivals voulaient bien le prendre en charge de façon forte avec un vrai interprète effectivement, avec un vrai dispositif, pas 4 haut-parleurs ni huit, mais vraiment un dispositif complet avec un vrai interprète qui a appris l’œuvre par cœur, qui la met vraiment en scène dans l’espace et un plasticien qui donne à l’œil quelque chose pour se reposer, pas un film, pas quelque chose qui bouge, mais autre chose que des poutrelles métalliques ou des choses comme ça, quand les studios ont ces moyens là et éventuellement de convoquer un plasticien, ce serait bien effectivement de pouvoir proposer des concerts acousmatiques qui soient des spectacles sonores réels. Donc cette réalité acousmatique, elle existe, il ne faut pas l’oublier et en plus elle se transmet très très bien par le disque, c’est une chance.
Michel Pascal
Juste une information que j’ai oublié de donner tout à l’heure par rapport aux absents de cette table ronde. Alors que ça avait été longtemps absent au GMEM, on a une série de musiques entièrement acousmatiques au GMEM, elle n’est pas au festival principal, elle est dans une petite salle et elle est parfaitement fréquentée et elle existe … Et les nouvelles séries qui viennent de se créer hors du GMEM, avec un compositeur qui s’appelle Maquis qui sort de la classe de Pascal Gobin et qui s’appelle Konnections avec un K et au pluriel et qui a fait donc deux concerts de musiques acousmatiques la semaine dernière, avis aux amateurs…
Denis Dufour
Dont les trois fondateurs ont suivi justement les cours d’interprétation de Motus avec nous …
Pascal Gobin
C’est un petit peu l’exemple des étudiants qui ont su s’organiser en sortie du conservatoire, à la fois pour prendre un complément de formation parce que moi je n’ai pas d’acousmonium à Marseille sur la classe, et aussi il faut s’organiser pour réunir l’équipement nécessaire, non pas pour apprendre à manier l’acousmonium qui est pérennisé mais à réunir le matériel nécessaire dans le cadre d’un festival de 4 concerts.
Elzbieta Sikora
Je change un peu de sujet peut-être, mais par rapport à l’association qui vient de se créer, et la jeune génération qui arrive, ce qui est une très très bonne chose, et qui veut absolument rentrer et s’adresser à des studios déjà existants de production etc n’oubliez pas qu’il y a aussi dans la diffusion, le volet médiatique, la radio, la télévision, la presse, ça a complètement disparu, et il n’y a plus de critique musicale, il n’y a plus la présence de musique dans la radio, très peu, merci David pour ce que tu fais, mais ce n’est pas assez ; à la télévision, n’en parlons pas et peut-être que les jeunes maintenant puisque nous on n’a plus la parole, c’est-à-dire que l’on appartient déjà à la vieille génération, nous on a fait l’effort, mais les jeunes peuvent peut-être de nouveau remuer ces domaines qui se sont un peu endormis, on parle énormément de musique électronique, actuelle, vous pouvez trouver des articles énormes dans le Monde sur des vedettes de musiques rock, pop, techno et je ne sais pas lesquelles, ce qui est sûr c’est que pour les compositeurs sérieux en électroacoustique, il y a rarement cette chose. Donc battez vous pour ça aussi parce que c’est un peu votre survie, éventuellement la nôtre, mais surtout la vôtre.
Nicolas Thirion
… c’est le vrai souci … moi je peux parler d’un exemple parce que je suis lié à une Scène Nationale. C’est extrêmement difficile de convaincre, c’est déjà difficile de proposer une musique mixte dans une scène nationale, parce que les musiciens qui lisent une partition en plus du dispositif, c’est trop dur et en fait, le public ne viendra pas. En fait, maintenant il faut bien se rendre compte que le public vient, que le public suit ça et que le ministre vient d’ailleurs, j’ai vu le communiqué à Musica, il a demandé à ce que il y ait de plus en plus de musiciens dans la Scène Nationale, est-ce que les D.R.A.C. musique participent aussi aux conseils d’administration des Scènes Nationales, ça veut dire que l’on peut imaginer que ça va évoluer. Effectivement, c’est là où je pense qu’il faut aller, c’est-à-dire qu’il y a des lieux dont c’est le rôle de faire de la diffusion, ça a été le travail de Motus avec qui, je me dis bon sang, pourquoi, J’aimerais vous inviter évidemment dans la Scène Nationale, il y a une place, évidemment, ça ne se discute pas, au niveau de la qualité au niveau du travail qui est fait, on a du mal à le faire, c’est très difficile à faire, on se retrouve effectivement dans des lieux, il faut chercher des lieux, ce qui n’est pas inintéressant, mais maintenant effectivement, ça reste marginal et on y travaille voilà … mais on est vraiment dans une situation où il faut travailler il faut convaincre, il faut aller dans ces lieux là.
Christian Sebille
Là, c’est les vieux qui parlent, nous on arrive pas à diffuser, donc il faut inventer d’autres choses …
David Jisse
Je partage le point de vue de Denis, c’est vrai que nous n’avons pas du mal, quand c’est bien fait, ça marche. Je suis d’accord. La difficulté c’est que l’on se heurte à une sorte de rail mental de la part de nos interlocuteurs. Et là je donne un exemple très récent. L’Opéra Comique. C’est vrai que l’on a fait une série des concerts, on a rassemblé beaucoup d’acteurs, et effectivement, l’électroacoustique, la musique fixée a été dans le foyer mais pas dans la salle. C’est vrai que hiérarchiquement on était coincé par une contrainte, lorsque l’ensemble Intercontemporain vient jouer, on ne peut pas le mettre dans le foyer, on le met dans la salle et on organise les choses d’une certaine manière. On se heurte à des contraintes qui dépassent l’objet lui-même et que on aurait pu tout à fait inverser la chose et dire : OK on prend la grande salle et on fait un concert de musique acousmatique, c’était compliqué par rapport à la hiérarchie des uns et des autres et que les contraintes ne viennent pas forcément de l’art lui-même, je suis bien d’accord avec toi, ce n’est pas l’art lui-même, c’est le réseau culturel dans lequel nous nous trouvons qui fait que nous devons être convainquants là dessus … c’est vrai que c’est difficile …
Gino Favotti
Il y a quand même une chose assez simple pour convaincre, on ne pourra pas convaincre les gens pendant des années dans les institutions qui disent non à la musique électroacoustique, mais d’ailleurs c’est pas maintenant, c’est pas aujourd’hui, c’est depuis toujours. Il y a un chiffre, enfin pas un chiffre officiel, simplement le nombre de gens qui sortent de classes électroacoustiques et qui veulent faire de la musique électroacoustique, ils ne font pas un cycle institutionnel parce qu’ils ne trouvent pas leur place. Donc ils vont faire, ils vont créer dans le privé des lieux indépendants. Alors, il y a plein de lieux, il y a aussi Internet, il y a aussi tout ce que l’on veut, les nouvelles technologies etc … Mais c’est un fait, et c’est là dessus qu’il faut que l’on se batte ; c’est pas en essayant de nous convaincre que c’est de la bonne ou de la mauvaise musique, la musique est là de fait, simplement. Et c’est ça que l’on n’arrive pas à comprendre à priori, on n’arrive pas à se mettre dans la tête, on se dit toujours, c’est quelque chose de marginal. Non, ce n’est plus quelque chose de marginal, même si les frontières, effectivement, il y a le côté musique électronique, Electronika etc, mais les frontières sont très ténues. Si on parle d’électroacoustique en tant que pratique et non plus en tant qu’esthétique, il faut savoir de quoi on parle quand on parle de musique électroacoustique, comment c’est fait. C’est bien d’une pratique dont on parle et là dessus, entre la musique électronique et la musique acousmatique plus officielle, c’est balayer les limites, et c’est là-dessus qu’il faut se battre, c’est pas en essayant de convaincre, évidemment !
David Jisse
Je crois qu’il faudrait que ce soit la dernière intervention, après Christian voudrait conclure, effectivement ce débat pourrait durer très longtemps
Jean-Paul Merlin
Bonjour, je suis Jean-Paul Merlin, je suis étudiant en musique acousmatique au conservatoire de Chalon. J’écoute avec attention tout ce qui vient d’être dit, je veux seulement faire un petit témoignage, ça fait 4 ans que j’organise dans un patelin de 10 000 habitants en pleine Bourgogne du sud où il n’y a pas de musique, il n’y a pas beaucoup de concerts, un concert annuel de musique acousmatique, où j’invite les élèves de troisième cycle à présenter leurs oeuvres, et en deuxième partie, j’invite un compositeur un peu plus aguerri, je dirais, il y en a qui peuvent en témoigner dans la salle. Ce que je voulais juste ajouter, c’est qu’au niveau du cursus, de la formation des élèves en musique électroacoustique (je suis un vieil élève, adulte), il y a un truc, quelque chose d’important qui manque, c’est de donner aux jeunes des informations sur les structures, les structures locales, départementales, régionales, qui existent, qui peuvent aider, on n’est pas beaucoup aidé, mais on l’est, pourquoi ? parce que l’on s’est monté en association et que en fin de compte, une association au niveau des élus, au niveau des collectivités territoriales c’est beaucoup plus lisible qu’un individu tout seul. Mais ça manque un petit peu au niveau de la formation des jeunes. Parce que justement, j’ai été en contact avec des jeunes compositeurs, qui sont des jeunes pas comme moi, plus de cinquante ans, des jeunes de 25 – 26 ans, ils ne savent pas ce que c’est qu’un Conseil Général, ils ne savent pas ce que c’est qu’une D.R.A.C., une D.R.A.C. encore parce que celle de Bourgogne… en plus de ça, bienvenue au club, par rapport à ce que disait M Pascal tout à l’heure … voilà.
David Jisse
Je crois que ce n’est pas propre à l’électroacoustique, là, je crois que c’est un problème de citoyenneté
Jean-Paul Merlin
On peut quand même y arriver en se groupant, je dis ça pour les jeunes compositeurs, en se groupant, en se montant en association, on peut arriver à surmonter un certain nombre de difficultés …
David Jisse
Il est grand temps de conclure maintenant
Christian Eloy
Oui, on a franchement dépassé les 1h 30 maintenant, je vous remercie tous pour votre participation très active, malheureusement c’est toujours trop court. Je voudrais juste, à chaud, faire un constat ou plutôt faire noter un certain nombre de choses rassurantes, en particulier, comment le panel que vous avez sous les yeux, de gens responsables de studios, de festivals, plus d’autres choses dans le genre de ce que l’on vient d’entendre, c’est-à-dire de prises d’initiatives à des échelles moins importantes en tout cas du point de vue nombre et du point de vue financier. Comment on retrouve, outre nos difficultés, une espèce de continuité. On a entendu tout à l’heure, des dates de naissances de certains studios 77, 80 etc et puis on a entendu aussi, des festivals, des studios, beaucoup plus récents et je trouve que là, pour moi, c’est la note d’optimisme que je retiens de cette journée, il y a toujours cette envie assez mystérieuse de la musique et même cette nécessité pour certains, on l’a vu aussi, de prendre parfois, à bras le corps, la composition, la diffusion, la production, l’interprétation, j’ai noté aussi au passage, du côté du GRAME entre autres, comment ces aspects de production et de diffusion ont été pris en compte, mal, insuffisamment c’est vrai, mais ce n’est plus quelque chose de complètement ignoré, rejeté ou délégué.
J’ai repensé à certains diplômes dans d’autres pays, je l’ai déjà dit hier, désolé pour la répétition, certains diplômes où l’organisation de plusieurs concerts par les étudiants, voire d’événements, fait partie complètement de la validation du cursus, ça répondrait en partie à ce que vous souleviez.
En conclusion, gardons cette part d’optimisme qui nous a menés jusqu’ici aujourd’hui encore, on est tous d’accord, le moment est difficile, il faut plus que jamais, se battre, se défendre, en vouloir, quitter aussi une certaine frilosité ou quelquefois une résignation, il faut aller au-delà, il faut se battre plus fort mais ne tombons pas non plus dans un pessimisme noir, la musique a toujours été un art difficile à tous points de vue, particulièrement vis-à-vis des institutions à toutes les époques.
Merci à tous.
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