JNME 2005 – Table ronde


Journées de la composition électroacoustique 2005

Table ronde au C.N.S.M.D. de Lyon le 11 octobre 2005

Thème :

Quel est l’accueil réservé à nos étudiants en composition par les grands studios et centres nationaux ? Quels sont leurs accès aux différents circuits de diffusion ?

Interventions de : Henry Fourès – Christian Eloy – Philippe Moenne Loccoz – Christian Sebille – James Giroudon – Francis Faber – Nicolas Thirion – David Jisse –
Reina Portuondo – Lionel Viard – Thierry Besche – Claude Cadoz – Michel Pascal

 Transcription et rédaction effectuées par Annick Alexaline et Christian Eloy

Avertissement des transcripteurs : l’enregistrement de cette table ronde a été réalisé sur mini-disc.
Malheureusement certains passages étaient inaudibles, ou difficiles à transcrire.
Malgré les différents moyens mis en place pour extraire les voix, nous avons pu commettre quelques erreurs,
nous vous prions de bien vouloir nous en excuser .Annick Alexaline, Christian Eloy.


Henry FOURES :

Bien, mes chers amis, bonjour !

Je réfléchissais hier soir lors de ce concert, que c’était déjà la 4ème année que nous nous voyons ici, déjà ! Que nous avons inscrit, ce forum, ce qui est devenu un forum dans la durée, la chose la plus complexe qui soit. Un des bons habitants de mon pays qui savait penser, Paul Valéry, disait que n’importe quel imbécile peut avoir deux idées géniales par jour, mais le problème, c’est d’en faire quelque chose, donc de lui donner une forme, et l’autre problème, c’est ensuite de la tenir dans la durée. Il se trouve que pour avoir l’idée, c’était simple, habitant dans l’établissement, connaissant le milieu, vous connaissant presque tous, il apparaissait simple de dire que le C.N.S.M.D de Lyon est un établissement public ; alors évidemment il est presque entièrement dévoué aux cursus des étudiants, face aux projets, et dans le même temps, en tant qu’établissement public, il devait s’ouvrir à des initiatives de ce genre. Et très vite nous étions en contact avec plusieurs d’entre vous. Je ne me souviens plus dans l’histoire quel était le premier, mais peu importe, il est apparu l’idée qu’autour des activités du département et des missions dans ce Conservatoire, il paraissait intéressant de regrouper des pédagogues, c’est-à-dire les responsables de classes d’électroacoustique de France qui constituent un réseau un peu unique en Europe, et qu’avec l’inconvénient d’une distance géographique, ils avaient du mal à se rencontrer, je parle d’abord des professeurs, de ceux qui enseignent, et de ceux qui presque toujours ont initié les départements dans les divers conservatoires et dans le même temps, souvent, les groupes qui constituent ce grand maillage du territoire français, ce sont ces personnes qu’il paraissait très important de réunir dans ce lieu qui est le C.N.S.M.D, complètement neutre, où chacun pouvait exprimer sa différence et ce qui les rapproche ! Et dans le même temps il est apparu très simple d’imaginer que l’ensemble de ces pédagogues, qui sont pédagogues, compositeurs, puis souvent acteurs d’une vie sociale intense là où ils sont, parce que s’il n’y avait pas de studio là où ils sont, il n’y aurait probablement pas de musique contemporaine, en tout cas très peu de diffusion musicale ; il paraissait important d’associer des populations d’étudiants liées aux classes avec l’ensemble des personnalités qui les encadrent toute l’année ou qui les forment. C’est ce qui a été fait dès la première année avec évidemment les écueils d’une expérimentation. C’est ce qui s’est développé la deuxième, bien conduit et mieux conduit la troisième et aujourd’hui avec l’arrivée de la vidéo, d’autres techniques etc… d’autres publics aussi, encore mieux conduit. Alors, nous sommes partis, j’avais dit, je rassure encore ceux qui auraient quelques inquiétudes, nous sommes partis pour installer ce type de rencontres dans la durée, si tant est que l’association, constituée ici, qui tient ses assemblées générales ici, ce qui montre bien que c’est la maison de tous, et que ce n’est pas simplement la maison des professeurs du C.N.S.M.D ou des étudiants du C.N.S.M.D Cela tend à montrer que nous allons nous inscrire dans une ère encore, enfin la plus longue possible parce que je pense qu’il faut instaurer entre nous maintenant des rituels, c’est un peu ce qui manque dans notre milieu de… on dira de… je n’aime pas le terme, donc je ne le dis pas, mais des musiques qui nous accrochent et qui nous intéressent et dont les aires esthétiques, le développement des aires esthétiques devient de plus en plus vaste.

Donc bienvenue, bienvenue aux étudiants aussi, et je constate d’ailleurs que certains des étudiants qui ont fait partie des premiers étudiants venus ici, quelques-uns ont déjà intégré la classe, ce qui veut dire qu’après tout ils ont déjà pris connaissance du lieu, de ce qui pouvait s’y passer, y trouver un intérêt, nous avons encore cette année, des étudiants qui ont intégré le département composition ; lequel s’est agrandi, alors si certains veulent visiter les studios, il y a ici des professeurs, ou des techniciens qui sont là, qui peuvent faire ce que j’ai fait tout à l’heure, c’est-à-dire, Robert Pascal est là, Jean-Louis Denis n’est pas là, mais il va venir, et Christophe Gernany ; donc vous les contactez, ils ont les clefs, des passes pour vous montrer tous les studios. C’est peut-être intéressant pour ceux qui ne les connaissent pas du tout. Et ceux qui les connaissent peuvent les revoir aussi, mais nous avons restructuré complètement l’outil studio, les outils studio, passé bon nombre de studios en 5.1, ce qui permet de travailler sur l’image, et créé une classe de musique à l’image, pour la musique de film, publicité, télévision enfin tout ce qui est en rapport avec l’image et la musique, dont la première convention n’est entrée dans ces lieux que l’an dernier, et la deuxième convention cette année, jusqu’au nombre de 6 puisque nous pouvons accueillir environ 6 compositeurs. Ces compositeurs ont un cursus complet de 4 ans pour l’instant 4, nous allons vers une Licence, Master, on le verra, ce sera 5 à partir de 2007, 3 + 2, avec la possibilité de faire un Master, une spécialisation choisie par l’étudiant avec un système de tutorats qui encadreront l’étudiant pour l’année prochaine. Alors tout ça est parfait, un autre problème de l’enseignement supérieur, c’est de créer les conditions d’un rapport étroit entre les structures de production et les festivals, mais aussi les studios qui accueillent bon nombre de nos étudiants ici quand ils sont sortis et qui constituent le relais parfois d’insertion professionnelle, c’est très important, à côté de nous, et évidemment quand la proposition a été faite par Christian Eloy, d’imaginer une table ronde aujourd’hui sur la relation entre les studios et les festivals, et l’enseignement dans ces pratiques, qui est apparu, évidemment c’était le bon sujet au bon moment où les questions se posent. Vous avez la liste, évidemment, des représentants de ces lieux, de ces centres, ici, que vous connaissez tous et j’ai le plaisir d’accueillir quelques-uns que vous connaissez moins et je leur dis bienvenue pour les années qui suivent parce que même si la nature des colloques change, ces journées continueront à exister et nous avons besoin de votre présence pour avoir un point de vue critique sur ce qui est en train de se jouer, donner leurs témoignages, ici, devant les étudiants, donc, Césaré en la personne de Christian Sébille que j’accueille pour ces débats ; personne du CIRM mais ça ne saurait tarder, et nos amis de Whynote avec qui nous avons déjà collaboré avec le Conservatoire et vous par le passé, il y a je crois 3 – 4 ans pour le concert Musique Automatique ; Elektrophonie aussi, bienvenue, puisque nous ne nous connaissions pas encore ; Futura c’est un vieil habitué donc on n’en parlera pas ; alors quelques occitans cathares, que je me réjouis de voir et qui confortent ma position minoritaire ici et qui pourra peut-être parler en langue d’Oc au prochain colloque au GMEA d’Albi ? le GRM n’est pas représenté, je le regrette ; la partie du grand sud méditerranéen n’est pas représentée mais peut-être le conflit de la S.N.C.M. qui va se développer va permettre aux paquebots de remonter la Saône depuis Marseille et amener nos collègues du CIRM et du GMEM jusqu’ici puisqu’ils peuvent accoster juste devant le conservatoire… le G.M.V.L. évidemment, ce sont nos alliés permanents structurels avec le GRAME, le G.R.M., je crois qu’il n’y a personne, l’IMEB par écrit, vous me direz, La Grande Fabrique bien sûr est présente, Meta Duo vous êtes bienvenus ici aujourd’hui, La Muse en Circuit hélas, sur-représentée !!! (Rires). Il y a assis derrière moi, MOTUS toujours présent, sans lui que ferions nous ? l’aide structurelle est considérable y compris pour les étudiants et cette année nous avons eu enfin 2 jours, nous allons aller plus vite ; et ce depuis 2 ans, cette année nous y sommes arrivés pour que les étudiants puissent travailler avec le dispositif d’un point de vue instrumental et d’un point de vue musical, le SCRIME , et l’Acroé, je ne vous ai pas oublié M. Cadoz, il y a longtemps que nous ne nous étions vus, nous sommes presque voisins. Voilà, vous êtes chez vous aussi, il faudra peut-être que l’on réfléchisse ensemble à un partenariat dans le domaine de la recherche et dans les conventions de stage, l’IRCAM n’est pas seul au monde (rires).

Bon, voilà, il y a encore deux concerts ce matin, je vais vous souhaiter un bon colloque et je vous signale que nous avons prévu, pour que vous ayez une restauration plus calme, que le restaurant se vide de l’ensemble de la population étudiante avant que vous n’y arriviez, nous avons prévu que vous déjeuneriez à 13h30, un peu avant si vous avez fini. Donc vous avez 3 heures et demie devant vous, moins mon temps de parole. Vous aurez un restaurant pour vous, plutôt confortable et au calme puisque que c’est l’ancien lieu de lecture des évangiles… imaginez un dispositif qui vous permettrait d’absorber les sons et de restituer les écritures… sur un seul canal…

Bien merci et bonne journée.


Christian ELOY :

Bien, pour lancer cette table ronde, c’est encore la terminologie que l’on va employer, effectivement, cela fait très bien penser à une forme de colloque, de forum. Je passe par la case remerciements et en premier lieu je voudrais remercier Henry Foures pour son accueil indéfectible. J’irais au-delà des quelques mots qu’il a prononcés, je crois que l’on sent très bien une forme d’implication forte de sa part et l’AECME lui en est tout à fait reconnaissante. Les seconds remerciements que je voudrais faire, s’adressent aux personnes que l’on n’a pas encore eu l’occasion de connaître directement au sein de l’AECME ; Henri Fourès leur a souhaité la bienvenue, à mon tour je leur souhaite la bienvenue et un gros merci, je sais que pour certains ce n’était pas simple, le déplacement et le temps à consacrer, je trouve ça tout à fait méritoire, et je les en remercie chaleureusement et personnellement. Les troisièmes remerciements, et ce sont les derniers, c’est à vous que je les adresse pour cette espèce de fidélité, à la fois celle des enseignants et des gens au sein de l’AECME même, mais aussi des étudiants, soit qui les accompagnent soit évidemment des étudiants du C.N.S.M. C’est à leur destination, c’est tout particulièrement à eux que j’ai pensé en produisant ce petit document qui n’a qu’une valeur informative, hélas, cela ne va pas au-delà, mais j’ai pensé qu’on pouvait dépasser ce simple moment, ces trois heures que nous allons passer ensemble, à la fois, en enregistrant cette table ronde et ce débat, et en produisant ce document écrit que nous mettrons aussi en ligne sur le site de l’AECME.

Voilà, je crois que l’on va diviser cette table ronde en deux parties. Une première partie où on va écouter une présentation des studios et des festivals par leurs représentants, souvent leurs directeurs. On va leur donner la parole pour qu’ils présentent leurs structures, leurs studios ou festivals, enfin leurs activités. La deuxième partie se déroulera avec un débat et les questions du public ; j’ai toujours en tête, même si 4 ans sont déjà passés, j’ai toujours en tête, les premières réflexions des étudiants après la première table ronde, je ne sais pas si on avait la dénomination de table ronde à l’époque, enfin l’espèce de frustration que j’ai recueillie, disant qu’ils n’avaient pas eu assez de temps pour poser les questions qui les intéressaient, et pour débattre avec les enseignants. Donc j’ai toujours ça bien en tête et on va faire en sorte d’avoir un temps suffisant pour cette partie débat et questions. J’ai demandé l’aide de David Jisse pour conduire cette table ronde, c’est un expert, dans la deuxième partie c’est donc David qui prendra la conduite de ces débats. Voilà, je vous propose maintenant d’écouter ces directeurs de studios et centres nationaux, dans un ordre tout à fait aléatoire, non, plus exactement au fur et à mesure de l’ordre de l’arrivée des courriers et des renseignements. En revanche l’ordre du document écrit est celui très classique de l’ordre alphabétique.

Donc je propose à Philippe Moënne-Loccoz de commencer, en tant que directeur du MIA.


Philippe MOENNE-LOCCOZ :

Donc, j’ai reçu la proposition de l’AECME, c’est une excellente idée, on a bien besoin de ce genre de rencontre, on a besoin de se présenter, on a besoin de recueillir les messages que les formations comme ici et d’autres font. Effectivement, nous recevons des demandes de certains étudiants ou de la part des professeurs qui ne se présentent pas forcément et disons que lorsque l’on doit faire un choix, c’est vrai que ce serait bien que l’on puisse mettre un peu le pied à l’étrier de jeunes compositeurs, des jeunes qui sortent des cycles de formation comme les vôtres, des C.N.S.M. des C.N.R. etc, et on a besoin peut-être même d’aide, et que pourquoi pas, avoir une relation avec l’association des professeurs, qui pourrait les conseiller ou au moins les mettre en contact avec les lieux de diffusion et de création. Je trouve que c’était une très bonne idée, donc, je remercie vraiment Christian Eloy pour avoir mis en place cette chose-là et de m’avoir invité à y participer.

Donc, Musiques Inventives d’Annecy, c’est un studio, c’est un centre de création musicale qui a une histoire ancienne, dont la structure date de 1973 et le Centre d’électroacoustique a été mis en place en 1980, avec une histoire assez lourde qui nous conduit maintenant au MIA, donc un changement de nom il y a 3 ans, qui est devenu Musiques Inventives d’Annecy et qui est installé maintenant dans la Scène Nationale d’Annecy et partenaire avec la Scène Nationale et le CNR ; nouvellement le CNR en partenariat avec Chambéry. Donc nous avons un studio de création local avec un bon équipement en tout cas avec un outil qui peut aller de la stéréo à la multiphonie jusqu’à 16 voies, voire 18 voies. On a une particularité, c’est que l’on va sur la musique paysagère dans le sens large du terme, c’est-à-dire, ça peut être de la musique avec un enregistrement sur une voie, avec le travail de sculpture des sons, du type musique concrète ou musique mixte. Actuellement nous avons un compositeur qui travaille sur une musique paysagère dans laquelle il va intégrer des instruments. Il va du paysage sonore à l’imitation instrumentale, entre guillemets, enfin c’est pas fini non plus, c’est Thierry Blondeau, nous avons un gros travail en relation avec l’image ; notamment avec un plasticien Hervé Bailly-Basin qui a fait un gros travail avec Tristan Murail qui a donné lieu à un DVD avec un ensemble des temps modernes, d’ailleurs qui est ici, je crois. Donc ce travail à l’image est mené aussi autour d’un dispositif de replacement image/son, que nous développons. L’autre particularité, c’est que nous avons un festival, qui est devenu maintenant un temps fort de la saison musicale au mois de novembre, que nous mettons en place avec la Scène Nationale. Donc, avec la Scène Nationale, nous avons en principe une création sur l’année et nos deux concerts du répertoire, je dirais. Et un temps fort en novembre que l’on met en place avec le CNR et des partenariats de type théâtres locaux et écoles d’art, « brise glace » des lieux de musiques actuelles, musées, châteaux. Un travail d’irrigation du terrain où là nous pouvons présenter des travaux de jeunes compositeurs. C’est vraiment le moment où nous pouvons présenter ces travaux et faire vraiment un gros travail en relation avec les collèges, les lycées, voire les écoles primaires au niveau du public. L’autre particularité aussi que nous avons, c’est l’accueil de compositeurs en résidence longue durée qui a débuté en 1995 avec Tristan Murail, ces résidences s’étalent sur deux années en général, alors c’est parfois un peu plus. Nous avons eu donc Tristan Murail, ensuite Alain Savouret, Thierry Blondeau, Florence Baschet, et actuellement Alexandros Markeas qui commence maintenant sa résidence. Donc ces résidences sont déjà bien installées sur le terrain, c’est quelque chose qui fonctionne plutôt bien puisque le fait d’avoir des compositeurs comme ça, de métier je dirais, ça permet aussi de drainer, ça permet aussi de travailler avec des plus jeunes compositeurs, d’être exemplaire, je dirais, un travail qui nous permet de développer les créations de bon niveau. Voilà donc un peu les trois axes principaux de Musiques Inventives d’Annecy. Il y en a beaucoup d’autres, il y a des compositeurs qui ont des commandes d’Annecy qui sont venus travailler, bon j’espère qu’il y en aura d’autres évidemment. Donc voilà un peu en gros la structure. Ce que j’avais dit dans les recommandations et dans « conseil d’amis », je vois d’ailleurs que la plupart des collègues l’ont fait aussi : il faut vraiment venir nous voir, il faut nous envoyer des pièces, il faut peut-être essayer de cibler, comme on est plusieurs à le dire, regarder peut-être les sites, regarder les programmations, voir peut-être ce qui vous intéresse, et ce qui peut-être a le plus de chance de marcher avec l’un ou l’autre d’entre nous. C’est vrai que l’on ne peut pas également faire le tour de France et aller voir partout. Des journées comme aujourd’hui permettent certainement de comprendre mieux les choses. Mais, n’hésitez à nous contacter, à venir nous voir, parce que c’est effectivement dans ce type d’échange que l’on arrive à monter les choses, à mettre en place des choses. Actuellement, nous, ce que l’on essaye de faire, c’est de donner, de passer une commande aux jeunes compositeurs qui sortiraient avec un diplôme du CNR. On a aussi un autre compositeur qui s’installe à Annecy qui sort du C.N.S.M., Boris, à qui on va passer une commande. On va valider. C’est au moins dans la région, passer des commandes aux gens qui sortent et qui sont diplômés. Évidemment, on aime bien que les professeurs éventuellement les conseillent, ça nous va très bien. Mais il n’empêche que l’on peut travailler avec Bordeaux, avec Nice, etc

Christian ELOY :

Bien, je remercie Philippe, il tombe pile dans les 12 minutes, c’est parfait, ça me permet de laisser la parole à Christian Sebille de Césaré.


Christian SEBILLE :

Bonjour, quelques mots sur Cesaré qui a été créé en 1989 à Reims. Pour l’histoire on a monté cette structure avec Tom Mays qui est présent ici, qui a ensuite quitté Reims pour continuer son cursus professionnel à l’IRCAM puis au C.N.S.M. à Paris, donc on voit comment Césaré s’est déjà construit sur cette question de la transmission. C’est qu’être compositeur et vouloir soutenir la création musicale, c’est quand on monte une structure, il faut se poser la question de la place politique de cette structure et cela va s’organiser sur un territoire, et c’est assez essentiel ; en quelques mots, Césaré, s’est construit sur trois orientations, la première c’est bien sûr la défense de la création, et essayer de donner les moyens à tous ceux qui viennent et qui vont venir à Césaré, le second axe qui est très très important, c’est la formation avec des orientations que je vais vous présenter un peu tout à l’heure plus précisément, assez large sur la formation. Et le troisième axe, c’est la diffusion avec une grande difficulté lorsque l’on arrive sur une ville comme Reims où il n’y a rien. Il y a une Scène Nationale qui pour moi n’a aucune volonté de travailler sur la musique contemporaine, une région dans laquelle il n’y aucun lieu qui travaille sur la musique contemporaine. C’est en même temps difficile et en même temps plein d’espoir puisqu’il y a tout à faire. Donc pour revenir un peu sur la notion de formation, on travaille aussi bien, il y a des ateliers qui travaillent au sein du conservatoire national puisqu’il n’y avait pas de lieu. On n’avait qu’un studio, dans une cave, qu’on a toujours pour l’instant et on va déménager bientôt. Alors on a travaillé avec le conservatoire, on a pu récupérer une salle au conservatoire de Reims ; c’est une salle de 100 m2 où on a pu développer toute la pédagogie. Et dans cette salle, on accueille des ateliers qui s’adressent aux élèves du conservatoire mais également on a développé des options culturelles avec la faculté, par exemple. Donc tout un réseau sur la formation, avec des gens qui ne sont absolument pas initiés à la musique contemporaine et la musique électroacoustique. Donc on les forme ; on a également, on intervient également avec des gens plus au fait de la musique, mais qui sont dans des cursus de formation au niveau de la faculté en musicologie et puis on va jusqu’à développer des stages pour des professeurs de musique dans les collèges, les lycées ; et jusqu’à création d’insertion qui s’appelle selon les compositeurs qui interviennent, en ce moment ça s’appelle LIGS, ça s’est appelé par d’autres noms ou de jeunes compositeurs interviennent, de jeunes ou moins jeunes, avec des projets ; et on encadre en cinq mois dans le cadre de l’insertion professionnelle des gens qui n’ont jamais fait de musique, et qui découvrent ce qu’est la prise de son, comment on peut organiser des sons dans le temps. Donc ça c’est pour la formation. Alors, je voulais présenter Césaré comme ça parce que quand je parlais de projet politique tout à l’heure, c’est que rien n’est détaché de rien. C’est que très rarement un projet n’arrive que pour la création ou que dans le domaine de la diffusion où on accompagne les compositeurs à long terme, en général on essaye de soutenir leur travail pendant un temps assez long. On pense vraiment ça dans la durée, en terme de cursus, et je vais vous donner peut-être quelques exemples, donc il s’est avéré que sur ces actions de formation on essaye toujours de soutenir un jeune compositeur et on a travaillé beaucoup avec la classe de Christine Groult qui s’est faite un peu par hasard ou peut-être par un lien esthétique aussi ça s’est fait. Il y a Arnaud qui est venu et qui a été pendant un peu plus de deux ans à Césaré et il a encadré les ateliers de formations, il a encadré un stage de réinsertion, appelons le comme ça, il a eu des commandes et on a pu travailler avec lui pendant deux ans. Il est parti parce qu’il a choisi de retourner à Paris et développer sa carrière professionnelle autrement. Et puis, on vient d’accueillir un jeune compositeur qui n’avait pas encore travaillé, qui s’appelle Michel Hubert et qui a repris ça et qui va commencer à avoir des commandes. Donc on voit bien que ce suivi de cursus, il est sorti d’une formation, il commence à accompagner d’autres formations, et de lui-même commence à avoir des implications dans la vie de création de Césaré. Et cela me semble tout à fait important que cette transmission passe par la transversalité des domaines. Je n’imagine pas du tout que l’on puisse simplement acheter pour l’instant ; nous, nous n’avons pas de festival du tout, on est vraiment sur une diffusion qui se fait avec le conservatoire, le Grand Théâtre de Reims, la Scène Nationale, la Comédie de Reims ; il y a une vie culturelle assez dense en ce moment, et ça permet d’avoir énormément de partenariats. Et avec le FRAC également, donc je vais vous citer quelques actions avec lesquelles nous travaillons avec de jeunes artistes, pas forcément avec des compositeurs, le FRAC et le jeunisme, c’est la volonté du FRAC Champagne-Ardenne, de travailler avec des gens sortant d’école d’art ou du conservatoire et s’interrogant sur le rapport des arts plastiques de la vidéo et de la musique. Donc on développe, on soutient toujours deux à trois projets, dans ce cadre-là qui s’allient tous les deux. Dans le cadre d’un concours qui s’appelle « le concours des musiques aux lieux insolites », quand on arrive sur une ville comme Reims pour avoir un peu de temps en temps une idée, et comme il n’y a pas de lieux de diffusion, on invente les lieux de diffusion. Donc on a inventé ce concours, et on essaye d’avoir une parité entre des compositeurs qui ont déjà une carrière derrière eux et de jeunes compositeurs, donc on laisse toujours une ou deux places dans le cadre de ce concours des « Musiques pour lieux insolites » qui a lieu une fois tous les deux ans, en quête de jeunes compositeurs. Je vous ai dit, tout à l’heure, effectivement, les jeunes compositeurs sont toujours accueillis à Césaré et ça me semble véritablement important de pouvoir les soutenir véritablement dans une continuité ; donc on a toujours de jeunes compositeurs qui sont accueillis, donc on est là, solidaires ; et également je voudrais citer un projet de formation qu’on a eu, et d’un jeune étudiant de musicologie, qui est venu à Césaré un jour en nous disant : « Moi, ce qui m’intéresse, c’est la carrière d’assistant musical » vous savez que c’est une carrière qui n’existe pas en réalité, qui a été un peu inventée par l’IRCAM et qui s’avère je pense, être nécessaire dans les studios, mais, qui n’est pas répertoriée dans le cadre des lois du travail. Donc, c’est un métier qui n’existe pas. Et ça a été tout à fait intéressant de voir comment lorsque l’on a téléphoné à l’IRCAM, pour dire : « ben, voilà, nous avons quelqu’un qui veut faire cette carrière là, comment peut-on imaginer cela ? » Et cela a engagé tout un processus de réflexion sur « comment on peut former quelqu’un ? Un assistant musical ? » Donc ça n’existe toujours pas, on a trouvé que c’était vraiment un gain de temps, une nécessité, mais ce jeune est rentré en formation pendant deux ans dans le cadre d’un contrat de qualification, il est allé à l’IRCAM dans sa formation théorique, et fréquentait le studio dans sa formation professionnelle. Aujourd’hui, il en est sorti, il vient d’intégrer Césaré. Il va passer à temps plein en tant qu’assistant musical ; donc ce sur quoi je voulais vraiment insister, c’est qu’à chaque fois, c’est une particularité, c’est une réflexion, avec le compositeur, avec le jeune compositeur, avec le jeune artiste, avec le jeune technicien, sur ce qu’il souhaite faire, par rapport au studio et à l’institution ; j’insiste bien sur ce terme d’institution, parce que c’est peut-être là que l’on pourra discuter tout à l’heure. L’institution peut se mettre au service du compositeur ou du jeune compositeur et essayer de s’adapter pour lui permettre d’avancer et que du coup son avancement permette à la société dans laquelle on vit, d’avancer. J’ai tenu mes 10 mn ?

Christian ELOY :

Bien, exemplaire !
Je vais demander maintenant à James GIROUDON de présenter le GRAME


James GIROUDON :

Oui bonjour, donc le GRAME pour ceux qui le connaissent, surtout dans ce lieu, je pense que dans ces murs, on a l’occasion depuis des années de dégager un certain nombre de collaborations, à la fois en direction des compositeurs, mais aussi avec des musiciens, avec des solistes ou des futurs solistes. GRAME est une structure qui a été créée en 1982, donc il y a déjà quelques années, Pierre Alain Jaffrenou et moi-même qui présidons toujours à ses destinées. En fait, la création de GRAME en 1982, c’était l’idée de créer à Lyon, un lieu de production qui soit vraiment à la rencontre, à la synergie, entre la création musicale et la recherche du côté de l’informatique musicale qui en 82 n’était pas à l’état qu’elle est aujourd’hui, on était déjà en pleine ébullition, en pleine effervescence. Donc il fallait, il me semblait vraiment essentiel de pouvoir créer en région, un lieu ambitieux, d’excellence, dans ce domaine-là et autour de ça de développer aussi une idée que la musique contemporaine n’était pas une création de laboratoire mais qu’il fallait aussi se confronter aux différents publics ; donc on a pensé qu’il fallait en même temps un certain nombre d’événements musicaux dans le cadre de la diffusion musicale, du rayonnement de la création musicale. Mais tout ça dans une perspective aussi, qui est à la fois intègrée dans le débat que l’on a aujourd’hui, mais qui n’est pas uniquement sur les musiques électroacoustiques, qui était dans une perspective d’un projet musical, je dirai, plus large, qui était de parler de création musicale avec des associations plus particulières entre l’écriture instrumentale et puis le développement de tous les outils de composition et de technologie etc… Donc ça c’était le point de départ, c’est toujours les directions dans lesquelles nous travaillons Et aussi dans les années qui ont suivi aux différents territoires artistiques puisque l’image comme le rappelait Henri tout à l’heure, et toutes les autres dimensions de la création se trouvent aujourd’hui confrontées dans un territoire de la création en général, avec des spécificités en ce qui me concerne, c’est évidemment le domaine du sonore et du musical. Donc, il y avait aussi l’idée, si on créait un pôle à Lyon dans ce domaine-là c’est aussi pour travailler avec des équipes lyonnaises ; et il y avait aussi cette idée de rencontrer des compositeurs qui travaillaient en région et d’avoir une action qui s’est développée d’année en année autour des jeunes compositeurs. C’est donc l’enveloppe générale. Alors à partir de là, le GRAME, la structure, s’est développée. Aujourd’hui, c’est 17 salariés permanents. C’est à la fois un centre de création, un centre de recherche musicale, un événement qui était festival annuel, qui est devenu biennal et qui s’appelait « Musiques en scène » qui en soi est une activité presque à part entière et puis c’est un certain nombre d’activités de formation qui vont à la fois des formations de sensibilisation de différents niveaux, écoles, collèges et puis formations professionnelles dans le cadre des futurs et jeunes compositeurs. Alors, à ce sujet là, je dirais que l’on a un certain nombre d’actions plus spécifiques. On a voulu développer d’année en année, autour des jeunes musiciens compositeurs, d’une façon générale, on accueille un certain nombre de résidences de compositeur dans nos studios. Il y a à peu près une quinzaine de compositeurs qui travaillent chaque année pour des petits projets ou des projets plus lourds. Et ces projets, soit nous les sollicitons, soit nous répondons à des demandes. Là aussi je m’associe à ce qui a été dit précédemment. Envoyez des propositions, on ne répond pas forcement favorablement à toutes les propositions, c’est pas possible, naturellement ; mais on les examine, et c’est vrai que pour les connaître, il faut aussi que l’on reçoive l’information. Donc ça, je dirais, c’est un cadre général. Dans ce cadre là, il y a des conventions qui sont passées avec des compositeurs, on prend en charge une partie, un certain nombre de frais, des frais de séjour, l’accueil, l’assistance parce que je pense qu’il y a une chose qui est essentielle dans l’activité de création et de résidence aujourd’hui ; enfin depuis quelques années mais qui est toujours au fond d’actualité, parce qu’un compositeur qui vient réaliser un projet musical, il vient quelquefois avec une idée très précise, il a les tenants et les aboutissants. La plupart du temps, ce n’est pas vraiment le cas ; il vient, il a déjà des compétences dans le domaine des technologies de studio, mais il a aussi beaucoup de questions, et en fait, on s’aperçoit que chaque projet se fait sur mesure et que les compositeurs viennent autant chercher un outil technique. Bon, c’est vrai, dans le cadre d’un centre, d’un studio, c’est la moindre des choses, il peut avoir chez lui un home studio, mais je pense qu’il vient autant chercher des techniques, qu’un tas d’outils, que des conseils, que le travail, une réflexion, une confrontation, et travailler finalement sur un environnement qui va présider et qui va lui permettre de réaliser son oeuvre. Voilà, je crois que c’est ce qu’on essaye d’améliorer, les conditions, sinon au niveau des résidences, c’est vraiment sur le travail de mise en perspective, de préparation et de mise en perspective du projet et d’accompagner le compositeur tout au long de son processus ; même si dans certains cas, il travaille seul en studio ou il travaille avec un assistant selon les compétences, selon la nature des projets. Donc accueil de compositeurs sur projets, et puis on a développé un certain nombre de points qui s’adressent plus particulièrement aux jeunes compositeurs. On a mis en place avec l’ensemble orchestral contemporain, qui est dirigé par Daniel Kafka qui est sur la région Rhône Alpes, dont le siège social est près de Saint Etienne et dont les bureaux sont ici à Lyon. On a développé un concours de composition qui maintenant a lieu tous les deux ans, qui existe depuis une dizaine d’années, à peu près. Chaque année il y a deux lauréats, et maintenant tous les deux ans, il y a deux lauréats, et la spécificité que l’on a donnée à ce concours c’est que sur les deux lauréats, il y a un lauréat qui soit résidait ou qui a fait ses études en région Rhône Alpes. Donc c’est une reconnaissance aussi de ce fait de la spécificité de cette région puisqu’il y a le Conservatoire, le C.N.S.M., c’est la seule région en France où il y a un C.N.S.M. donc on a toute la chaîne de formation, donc ça me paraissait important que ce concours prenne en compte cette dimension là et donc tous les deux ans effectivement il y a un des deux compositeurs qui est passé ici par le C.N.S.M. Et c’est vrai que si je fais la liste des compositeurs, des dizaines de compositeurs qui ont été lauréats, la plupart sont des anciens élèves de cette maison, ou du moins la grande majorité d’entre eux. Donc, ce concours bien sûr intègre les données dont je parlais préalablement, c’est-à-dire que l’on est dans le domaine de la musique mixte, c’est un petit concours pour formations instrumentales et électronique ou voire éventuellement dans certains cas, quatuor à cordes électronique, enfin des autres formations plus réduites, mais généralement c’est l’ensemble orchestral donc une quinzaine de musiciens et donc l’électronique, les professeurs, on les commande et ils sont reçus en résidence dans nos studios et on prend, comme on fait généralement pour l’ensemble des projets que l’on soutient, tout le projet dans sa conception jusqu’à sa réalisation en concert et dans le domaine des musiques mixtes, on sait que c’est toute une économie qui est particulièrement lourde et difficile parce que ça met en mouvement beaucoup d’acteurs musicaux. On a aussi développé depuis maintenant 3 ans avec le C.N.R. de Lyon, avec la présence de Christophe Maudot un concert qui autour de la musique électroacoustique plus particulièrement, mais avec un accueil des jeunes compositeurs du C.N.R. qui dans ce cadre-là peuvent nous faire entendre leurs pièces, qu’elles soient électroacoustiques ou mixtes. C’est un rendez-vous annuel que l’on a établi. Sur le plan de la diffusion, mis à part ce rendez-vous, à plusieurs occasions, soit dans le cadre de Musiques en Scène maintenant biennale, on a accueilli des associations de jeunes compositeurs ou des projets de jeunes compositeurs, ici de la région ou d’ailleurs, mais je parle plus spécifiquement de la région par rapport à Lyon ; également dans le cadre des journées GRAME qui est une manifestation qui a lieu au mois de mars, comme la biennale, mais qui est donc sur les années impaires, la biennale étant les années paires et qui est plus petite, plus réduite, sur quelques jours ; c’est une manifestation qui est directement en prise avec l’activité de création de résidence qui se passe dans les locaux de GRAME, dans les studios de GRAME et donc dans ce cadre là on accueille aussi pour la diffusion et pour la création de jeunes musiciens, de jeunes compositeurs. Et puis je dirais d’une façon générale, les relations que l’on a établies sont ici très suivies avec les établissements de formation, bien sûr aussi avec le C.N.S.M. dans les opérations avec les concerts, avec les gens que l’on a sur place, les différents artistes, à la fois des solistes et des compositeurs. Chaque année, ou par chaque mission biennale, il y a plusieurs coopérations que nous montons. On a aussi comme je le disais une coopération avec le C.N.R. de Lyon, là aussi on met en place les résidences de compositeurs. Cela nous parait important, c’est bien sûr de viser l’activité de création des jeunes compositeurs qui vont réaliser des pièces, mais c’est aussi avoir une action plus globale, plus environnementale sur une maison de formation et proposer autour d’un compositeur ou d’un ensemble, ou d’un musicien, une action qui intègre différentes classes et pas uniquement les classes de composition.
Voilà, nous avons aussi des relations avec les autres écoles de musique comme Villeurbanne, Saint Etienne et d’autres … Voilà ce que je voudrais dire rapidement parce que je ne peux pas dépasser le temps. J’insisterais aussi sur le fait que l’on n’a pas à se substituer aux établissements de formation, ils sont suffisamment nombreux et excellents sur la région ; mais on doit effectivement, et là il y a encore beaucoup de choses à inventer, et je pense que là c’est l’objet du débat qu’on doit être à l’écoute, inventer de nouvelles formes de collaboration pour aller plus loin. Je pense que l’on a vraiment dans les centres, des studios, un rôle à jouer dans cet accompagnement professionnel du musicien et du jeune compositeur, ça me parait tout à fait essentiel, sinon on manque à l’une de nos missions. Et puis j’insisterais aussi sur les choses qui ont été dites par Christian sur les nouveaux métiers. Ce rôle de l’assistant musical dont parlait Christian, alors je ne sais pas comment on peut l’appeler, enfin bon d’accompagnement des compositeurs qui à la fois, comprend les problèmes musicaux, c’est-à-dire à une écoute musicale des choses, et à la fois aussi une très bonne compétence technologique, voit les perspectives, une méthodologie. Je crois que le compositeur vient chercher des données mais aussi une méthodologie d’approche ; ça c’est aujourd’hui, je dirais un peu les oiseaux rares et même s’il n’y a que quelques centres en France, l’IRCAM, il y a effectivement une demande dans ce domaine là d’avoir des personnes qui soient à l’écoute et compétentes pour accompagner le processus de création. Voilà …

Christian ELOY :

Merci beaucoup. Je vais demander à Francis FABER directeur de présenter la Grande Fabrique


Francis FABER :

Bonjour, nous on est une micro structure installée entre l’ouest de la Manche et l’ouest c’est-à-dire le grand Rouen, très particulière parce qu’on a été un petit studio disons avec ses différentes fonctions d’accueil et de production ; puis de diffusion, il y a eu un festival TRAMWAY, qui était à l’époque un festival tout à fait atypique puisque le grand désert de Rouen n’était pas rempli ni de jazz contemporain ni de Rock noisy ni d’installations sonores, ni de musique acousmatique, ni de musique électroacoustique contemporaine, et donc j’ai essayé de faire un festival, qui soit un festival multi-culturel de ce point de vue là, qui a duré un certain temps et qui a demané beaucoup de travail ; et quand il s’est agi d’avoir un directeur, et d’avoir une vraie structure de travail, la DRAC à l’époque n’a pas voulu continuer ; donc j’ai décidé, à une époque un peu particulière, qui correspond sans doute à une époque technologique où j’ai trouvé que le Home Studio arrivant, on avait moins besoin de payer les compositeurs, les étudiants et les jeunes musiciens, parce qu’au fond le laptop était là et comparé à aujourd’hui, le champ de compétence avait un petit peu changé, et donc on est devenu une compagnie. Une compagnie, comme une compagnie de théâtre, ou une compagnie de danse, on est un petit peu de ce point de vue là à côté des pratiques musicales traditionnelles, c’est-à-dire que l’on fait autant à la Grande Fabrique du spectacle public, par exemple le dernier spectacle, l’équipe était plutôt donc un scénographe, un mécanicien pour le robot, un metteur en scène, autant de techniciens et assistants musicaux. Et donc à un moment donné l’objet s’est recentré sur nos réelles préoccupations et maintenant on accueille néanmoins des gens pour écrire pour nos structures. On travaille surtout avec deux méta instruments et on a accueilli récemment Tom qui nous a écrit une pièce autour de ces nouveaux projets que sont les multimédias en temps réel, de la vidéo et de la musique en temps réel et on accueillera l’année prochaine Michele Taddini qui nous écrira aussi une pièce audio méta. Voilà, donc on est très atypiques par rapport à ce qui existe sur le territoire depuis les années 80, parce que moi je crois beaucoup à la transversalité des arts, je crois beaucoup aux nouvelles technologies qui ont changé beaucoup de choses sur le plateau artistique et que leurs spécificités esthétiques concernent un champ très large. Au festival TRAMWAY par exemple, on avait une nuit, une espèce de grande « rave », dans laquelle on mélangait les musiques ircaniennes et les musiques techno et moi je crois beaucoup à ça et je me place de manière un petit peu atypique. Alors on accueille des gens avec une spécificité un peu particulière, avec du développement en temps réel, du travail un petit peu différent de celui de la composition traditionnelle, et donc on est un petit peu à côté de ce que nous ont exposé nos collègues jusqu’ici. Voilà, on accueille également des jeunes à la fois parce qu’installé dans un conservatoire, et à la fois dans les locaux de la Grande Fabrique, et des locaux particuliers adaptés à la classe électroacoustique, dont je préside aussi aux destinées, ce qui simplifie à la fois beaucoup les choses parfois en terme de professionnalisme pour les grands étudiants, et on a aussi une pratique très particulière puisqu’on est dans une sous préfecture et on a une pratique pédagogique qui commence très très jeune avec un travail d’improvisation, un travail transversal dans la maison de l’école de musique. Voilà ce qu’est en gros la Grande Fabrique.

Christian ELOY :

Je donne maintenant la parole à Nicolas THIRION directeur de Cumulus


Nicolas THIRION :

Bonjour, je dirige l’association Cumulus qui fournit le festival Whynote à 80% de son activité. J’ai succédé en 2003 à Jean Michel Lejeune qui a créé ce festival en 96 et qui est maintenant Directeur Artistique du festival. Donc le festival Whynote est un festival qui a lieu chaque année en novembre, qui était au départ un festival de musique instrumentale, plus particulièrement instrumental. Beaucoup de musiques mixtes, de la musique électroacoustique c’est pas la portion congrue, mais un peu moins représentée. Mais aussi un festival qui revendique une grande ouverture esthétique puisqu’on va aussi vers une musique électro au sens beaucoup plus large du terme, les installations, les performances, le rock d’avant garde. On est un petit peu une exception dans le paysage français puisque on est uniquement un festival, on n’a pas de centre de création, ni départemental, ni national associé. On n’a pas de salle à nous puisqu’on profite, en tout cas, on dispose des lieux à Dijon et sur la Bourgogne, et principalement à Dijon. Donc il est compliqué pour nous d’organiser des résidences de création, d’inviter des artistes, compositeurs, principalement qui savent travailler sur le long terme. On peut mettre les moyens techniques sur une petite période, 15 jours pour travailler, mais en tout cas on ne peut pas faire d’accompagnement sur la longue durée avec les artistes. Mais on a quand même une politique de commande depuis le début. Une politique de commande qui est axée sur les jeunes compositeurs. Qu’est-ce qu’un jeune compositeur, c’est à mon sens quelqu’un qui a entre 30 et 40 ans, qui sort d’un des deux Sup., Lyon, Paris, qui a déjà été un petit peu identifié, par exemple par un ensemble. On est en relation très régulière avec des ensembles comme l’Itinéraire, Court-circuit, l’Intercontemporain. Voilà on fait chaque année quelques commandes, entre un et cinq compositeurs que l’on considère en début de carrière, je ne sais pas si ce terme veut dire quelque chose dans ce petit milieu ; là j’ai regardé, dans le domaine de la musique électroacoustique, on a essayé de trouver un équilibre entre création et répertoire. On a comme vocation d’accueillir à Dijon une région dans laquelle il n’y a pas de grande histoire de la musique contemporaine ; des grands noms, on a accueilli Pierre Boulez l’an dernier, Luc Ferrari il y deux ans, Steeve Reich il y a plusieurs années, défendre le répertoire électroacoustique comme instrumental et en même temps continuer la création. Voilà, donc peu de musique électroacoustique stricto sensu, mais beaucoup de musiques mixtes. On travaille à ce moment là avec des studios comme l’IRCAM, le GRAME ou CESARE, pour des projets qui peuvent souvent être produits ou préparés chez eux, voilà on se veut un endroit d’accueil privilégié pour des projets qui sont montés ailleurs. En ce qui concerne le sujet, plus précisément, de la table ronde de ce matin, sur l’accueil des étudiants des classes de musique électroacoustique, il se trouve qu’au conservatoire à Dijon, il n’y a pas de classe de musique électroacoustique, en tout cas, pas une vraie classe. Par contre, il y en a une très très bien à Chalon, donc dirigée par Jean-Marc Weber qui est ici, donc on a l’habitude, en tout cas depuis 2003, depuis que j’ai pris la direction, d’accueillir très régulièrement cette classe, les grands élèves en gros, les grands seconds cycles, plutôt, les troisièmes cycles, pour des concerts qui sont des concerts de la classe, en relation par exemple avec le conservatoire de la région. On a une mission de toute façon de travail à l’échelle régionale, une mission de travail avec les acteurs locaux. Ca fait partie du cahier des charges que d’accueillir les jeunes musiciens qu’ils soient instrumentistes ou qu’ils soient électroacousticiens et de les propulser sur scène, de les mettre en situation de création. Donc, l’an dernier par exemple, on avait fait un concert tout simple. On avait invité le conservatoire de Chalon, la classe de musique électroacoustique et la classe de percussion du conservatoire de Dijon à faire un concert ensemble. En 2002, je crois c’était un travail un peu plus poussé, ambitieux, on avait invité la classe (5 ou 6 étudiants de la classe) de Chalon à venir réaliser un travail de création autour du Japon et du Kendo, on a appelé ça, « la voie du sabre », on a organisé en première partie, la projection d’un film de Kurosawa. On a invité des kendo ka à venir présenter des katas ou des formes imposées de cet art martial du sabre japonais et les étudiants avaient travaillé sous la direction pour la partie artistique, de Jean-Marc Weber, une musique semi-improvisée, semi-écrite pour accompagner ces katas qui avaient donc été filmés, il y avait un travail assez ambitieux là dessus. Donc, voilà, tout ça reste assez modeste, dans un type de travail un peu différent, avec des étudiants toujours, mais qui ne sont pas spécifiquement en classe de musique électroacoustique, on travaille beaucoup avec le CEFEDEM Bourgogne, qui est plutôt un très bon CEFEDEM. On prépare cette année par exemple, une création de Florence Baschet à qui le festival a commandé dans le cadre d’une résidence en Bourgogne de l’ensemble l’Itinéraire, résidence qui est essentiellement pédagogique ; on appelle ça résidence mais on n’appelle pas ça dans le même sens que ce qui peut se passer au GRAME par exemple. L’Itinéraire, en tout cas les instrumentistes et une compositrice associée, viennent très régulièrement réaliser des actions pédagogiques avec le conservatoire et des partenaires institutionnels et pédagogiques régionaux. Donc on travaille avec le CEFEDEM à la création d’une pièce instrumentale et un dispositif électronique. Donc Florence Baschet étant très proche de l’IRCAM et en recherche à l’IRCAM, voilà, avec l’assistance de Vincent Carinola, un compositeur que vous devez connaître, qui est responsable des studios du CEFEDEM. Voilà ; et aussi la participation des instrumentistes de l’Itinéraire qui viennent aider à monter les pièces et faire part de leur expérience dans le domaine de la musique mixte. L’intérêt de faire découvrir les étudiants, futurs professeurs en école de musique, d’avoir à découvrir un répertoire des modes de jeu et un état d’esprit, un rapport à la technique. Voilà, on est plutôt, en ce qui concerne l’accueil des étudiants, sur des choses pédagogiques et en relation avec les institutions et partenaires pédagogiques locaux. C’est beaucoup plus compliqué pour nous d’accueillir des oeuvres d’étudiants en les considérant comme compositeurs, comme d’autres ; rien n’empêche et je le demande, que vos élèves nous envoient leurs oeuvres, enfin les grands élèves, ceux qui commencent à être un petit peu matures, qu’ils envoient leurs oeuvres et qu’on puisse les écouter, les apprécier. C’est effectivement compliqué pour des raisons de public et de solliciter le public dijonnais, d’organiser des concerts d’électroacoustique, acousmatiques pour des étudiants ; les choses sont un peu différentes pour des gens qui sortent de sup. mais on en a parlé tout à l’heure. Voilà rapidement pour notre politique, en tout cas pour notre méthode de travail.

Christian ELOY :

David JISSE, Directeur de la Muse en Circuit


David JISSE :

Je rebondis sur les propos de Francis FABER qui a dit tout à l’heure, au fond, nous constatons des progrès ou des évolutions technologiques, des structures qui sont peut-être moins utiles aux compositeurs, ce qui est sans doute vrai, en tout cas pour le matériel, et je pense qu’il est important de re-situer la Muse dans cette histoire-là parce que c’est vrai que l’histoire de la muse c’est un peu Luc Ferrari, les autres qui portent justement la marque de cette relation technologique, parce que Luc disait souvent « les technologies sont mauvaises, y en a pas une qui soit vraiment utile » et en même temps elles étaient vraiment indispensables à cette époque là et cette Muse s’est constituée parce qu’il fallait créer une alternative à d’autres structures plus importantes, plus dotées dans le paysage. Et je crois que c’est important de remettre la présentation de la Muse dans ce cadre-là parce que, effectivement, les technologies ont évolué, effectivement on a tous maintenant dans nos home studios à notre disposition des outils qui il y a 5 ou 6 ans n’existaient que dans des grosses machines et qu’il faut se poser la question : à quoi servent les structures comme la Muse dans ce nouveau paysage ? Je pense qu’effectivement pour rebondir sur ce qui s’est dit dans cette salle, ça a de nouveau du sens qui est peut-être un sens qui s’est mis à changer la nature lui-même. Et c’est là-dessus que je veux faire le lien pour présenter la Muse en disant qu’effectivement c’est absolument indispensable qu’il y ait en Ile de France un Centre de Création comme la Muse en circuit, mais en tenant compte du fait que les technologies ont muté et que les compositeurs, jeunes compositeurs ou compositeurs confirmés, mais là on parle essentiellement de l’accueil des jeunes compositeurs : que viennent-ils chercher ? C’est pas pour rester dans du Ferrari, mais Luc Ferrari disait souvent que c’était bien de se frotter ; et qu’au fond, maintenant, ce dont on a besoin, ce qui est peut-être utile à transmettre c’est de proposer des surfaces d’accueil, ce que nous faisons avec des outils technologiques performants, avec des assistances nécessaires, et qu’en même temps il était très indispensable de provoquer une rencontre entre des projets et puis d’autres acteurs qui sont au coeur des mêmes problématiques. Et c’est un petit peu là-dessus que la Muse essaie de donner des réponses et de faire des propositions dans ce sens-là. Alors évidemment, un petit peu comme tous nos amis, et qui vont continuer certainement après moi à présenter leurs activités, c’est toujours fondé sur le même type d’articulations institutionnelles. On accueille, on fait de la pédagogie, on fait de la diffusion, on fait de la recherche et puis on est plus ou moins connecté à des réseaux, c’est un petit peu le coeur même de nos activités. Chacun essaye de le faire à sa manière. Alors au niveau de l’accueil, effectivement, nous accueillons des jeunes compositeurs, nous accueillons des projets, en gardant bien à l’esprit ce que l’on a envie de dire, pourquoi on viendrait à la Muse ? Peut-être parce que c’est en Île de France avec une structure alternative par rapport à d’autres, mais que aussi, elle garde en mémoire la trace de ce qui en a été sa spécificité au départ, c’est-à-dire ce non-cloisonnement entre les genres musicaux. Et je crois que ça c’est très important aussi de dire que la Muse garde quelque part l’esprit de l’hybridation, de la transversalité des disciplines, du fait qu’il est tout à fait important de pouvoir confronter le travail d’un danseur comme d’un comédien et d’un compositeur et que c’est une des choses qui porte la réflexion de notre activité.

Quelques exemples d’accueils réussis récemment et qui d’ailleurs se retrouvent maintenant dans les studios amis ; je pense par exemple au groupe Scotta, musiciens sortant du C.N.S.M. qui sont arrivés à la Muse, qui ont construit leur premier spectacle à la Muse, sortant de la classe de Alain Savouret et puis qui maintenant vivent leur vie d’artiste pleinement et je trouve que c’est le bon exemple, il y en a d’autres, actuellement nous avons Yann Robin qui va d’ailleurs donner une de ses pièces ce soir pendant le concert et qui est encore au C.N.S.M. de Paris et qui est accueilli à la Muse ; donc la pièce que vous entendrez ce soir à été réalisée pour la partie électronique à la Muse en Circuit. Et je crois que là c’est le pont idéal de la communication entre les jeunes compositeurs et une structure comme la Muse. Évidemment on accueille aussi des compositeurs confirmés, ce n’est pas la peine d’insister là dessus ; susceptibles évidemment d’obtenir des commandes que nous pourrions éventuellement passer. Et une des spécificités de la Muse aussi, c’est d’être capable de proposer un lieu d’enregistrement plutôt performant pour des réalisations « phonographiques » ou autres, voir des DVD, et puis de proposer, ce sera le cas, je l’espère, d’ici 6 mois, voire 1 an, de proposer un espace de diffusion autonome. Toutes les structures ont cette même difficulté, les lieux de diffusion, surtout les plus généralistes, sont toujours en grande difficulté pour accueillir nos pratiques musicales ; donc à la Muse, on a tenté de résoudre la question en construisant nous-mêmes un petit espace de diffusion (entre 60 et 80 places) qui permettra en Île de France de pouvoir faire entendre les oeuvres professionnelles et au public intéressé. Je crois que ça c’est une des grandes dimensions importantes et qui peut être aussi un attrait très singulier parce que bien souvent on était arrêté à cet endroit de la chaîne musicale beaucoup plus qu’à l’endroit technologique ; l’endroit technologique est un frein mais pas le plus important, le plus important est le frein de la diffusion dans de bonnes conditions. Évidemment on peut proposer des forces pour la recherche, pour le développement, nous essayons justement de constituer des équipes autour de développeurs indépendants parce que jusque-là nous n’avions pas la possibilité matérielle de le faire. C’est en train de prendre corps, et du coup, on est capable de répondre à des demandes très contrastées, par exemple de faire l’accueil de Marc Matalone qui a fait son ciné-concert autour d’un travail qu’il avait commencé avec Tom Mays à l’IRCAM et qu’il a terminé à la Muse en Circuit et il y a comme ça des logiques, et les croisements se font de manière assez naturelle. Et nous travaillons aussi, non pas seulement qu’avec des compositeurs confirmés, puisque nous avons des projets, je pense à Jean-Marie Adrien qui est à la fois un jeune et vieux compositeur et qui est aussi un développeur tout à fait intéressant et qui propose des choses très passionnantes dans ce secteur-là ; donc c’est aussi une manière de faire avancer les projets assez pointus technologiquement. Une des dimensions de la Muse en Circuit qui est aussi très importante à rappeler, qui est peut-être une originalité dans le paysage des studios c’est la dimension liée au hörspiel, c’est vrai que la tradition liée à Luc Ferrari a beaucoup porté l’histoire de cet art spécifique de la création radiophonique et de la composition, et c’est vrai que depuis une dizaine d’années, la Muse organise tous les deux ans un concours de création, le dernier avait lieu en co-production avec Genève et qui était assez important, quatre jeunes compositeurs, Sébastien Roux etc. et donc d’une certaine manière, elle remplit aussi sa fonction d’accueil et de promotion et de capacité à proposer aussi des alternatives à des gens qui se disent : tiens ! il y a là une piste d’inventivité potentielle. Dernier point aussi important, la Muse essaie d’être, de fait, c’est pas pour faire un vieux reste de jacobinisme mais, c’est vrai qu’on est en Île de France, c’est à la fois la meilleure et la pire des choses, parce que c’est vrai que c’est une des grandes complications, qu’il y a énormément de gens en Île de France, mais en même temps nous avons la chance d’être au cœur d’un réseau large et actif potentiellement. Donc c’est vrai que la Muse milite beaucoup aussi pour constituer ce réseau des acteurs en Île de France mais pas exclusivement d’ailleurs, on pèse d’un poids un petit peu plus lourd dans la création musicale. Voilà … c’est un peu rapidement dit, mais on pourra répondre aux questions.

Christian ELOY :

Merci, maintenant à Reina PORTUONDO de Nova Musica


Reina PORTUONDO :

Bonjour à tous. Tout d’abord je voulais remercier Christian Eloy de m’avoir invitée parce que quand j’ai reçu l’e-mail, j’étais très contente de pouvoir participer, de pouvoir rencontrer le milieu des jeunes étudiants et puis aussi des compositeurs qui venaient déjà au studio. En fait, je viens pour deux raisons, qui ont à voir l’une avec l’autre, je représente Nova Musica qui est une association loi 1901 pour la création et la diffusion de la musique contemporaine, qui a été crée en 1996. A Nova Musica, il y a plusieurs choses. Il y a un studio d’interprétation de la musique électroacoustique, surtout à tendance mixte et on a développé un système pour l’interprétation de cette musique. A Nova Musica, on a un studio d’enregistrement, surtout pour la musique mixte. On ne fait pas du tout de création, on ne travaille pas la création. Notre raison d’être, c’est l’interprétation de cette musique. Pourquoi ? Parce qu’on trouve qu’il y a beaucoup de musique à interpréter et qu’il faut aussi créer un environnement qui puisse le permettre. Comme vous pouvez le voir, moi je suis espagnole en France. Dès mon plus jeune âge j’ai eu une affection particulière pour la musique électroacoustique et dans mon pays d’origine, j’ai réalisé pas mal de choses autour de la musique électroacoustique. En arrivant en France, j’ai eu la chance de rencontrer un musicien, un instrumentiste qui s’appelle Daniel Kientzy, c’est un musicien saxophoniste qui a vraiment une affection particulière pour la musique électroacoustique, acousmatique puisqu’il l’écoute quand il est chez lui, mais sinon il adore interpréter les oeuvres pour saxophone et autres. Alors Daniel a une pure passion pour l’interprétation de cette musique parce que quand il va quelque part, il faut soit qu’il y ait un petit studio qui soit derrière, soit quelqu’un qui puisse travailler avec lui. Alors il a toujours voulu être entouré d’un deuxième musicien et c’est pour cela que lui qui est directeur artistique de Nova Musica, il a développé cette interprétation ennéaphonique. C’était des années de recherche pour ça, et on s’est rencontrés, et il m’a dit « ça fait longtemps que j’ai du mal à réaliser, à la façon dont je dois jouer cette musique ». Il y a un compositeur qui travaille avec moi, après quand je veux interpréter cette musique ailleurs, comment je fais ? Je suis un interprète, je ne suis pas un compositeur. Donc on a décidé de mettre au point l’ennéaphonie. Je vous ai donné, à quelques-uns une petite brochure, c’est expliqué. En effet, nous on travaille comme deux musiciens, comme la musique de chambre. Et cette musique on l’interprète comme si on était un duo saxophone et piano, ou violoncelle ou flute ou autre chose. Quand on fait un concert, je trouve qu’il faut trouver, parce que on parle toujours du public, c’est quelque chose sur lequel on pourra peut-être revenir, on parle toujours de public aussi, parce que la musique sans le public, qu’est-ce que c’est ? Et pour donner quelque chose au public, il faut interpréter. Donc c’est pas forcement le compositeur qui gère l’interprétation. On a vu Luc Ferrari est mort, qui va interpréter sa musique. Il y a aussi des oeuvres qui voyagent. Parce qu’on compose ici, mais nous on voyage beaucoup. Par exemple, on va jouer au festival Sarentino à Mexico dans quelques jours, c’est un des plus grands festivals de l’Amérique Latine, de tous les arts confondus, et alors nous allons faire la clôture du festival, c’est tout de même une responsabilité ça, il y a beaucoup de monde, on doit défendre cette musique devant tant de personnes qui ne sont même pas averties et il faut quand même faire quelque chose. Et je pense toujours que la musique et les interprètes existaient avant les compositeurs, enfin je ne veux pas nier l’importance des compositeurs, mais avant la musique écrite, on interprétait déjà. Et dans la musique pop, dans la musique populaire, on ne connaît pas parfois le nom du compositeur et les noms de gens qui ont travaillé la musique, on connaît les interprètes. Je ne veux pas blesser quelqu’un ici, ce n’est pas pour blesser que je dis ça, mais c’est aussi dans l’amour de cette musique qu’il faut trouver une interprétation. Alors, moi en tant qu’interprète de musique électroacoustique je pense que le meilleur mot que j’aie trouvé, c’était soniste, parce que un pianiste, un flûtiste, un soniste, c’est celui qui joue les sons. Alors je vais vous expliquer comment on fait. On reçoit une partition, on l’étudie, on la met au point. On a un système pour répéter, derrière les studios, on a un système de huit haut-parleurs, parce que ça on le trouve partout et c’est quand même quelque chose qui est faisable et nous on ne voyage pas avec des tonnes de matériel, c’est impossible. Moi j’ai ma console, avec huit canaux indépendants et il y a quelques gens ici qui connaissent mon système, et je ne travaille pas avec des ordinateurs, je travaille en tandem, je suis toujours avec un musicien, c’est un être humain, il a cette démarche de la musique de chambre et on voyage avec notre matériel ; n’importe où on va, on fait toujours le même concert, moi aussi de mon côté je fais beaucoup de concerts de musique acousmatique et parfois en concert avec Daniel on fait une de nos pièces pour musique acousmatique et là je fais une partition. J’ai des partitions à chaque fois que je joue une pièce acousmatique. Je la joue avec mon système, de la même manière que je la joue partout, parce que je passe parfois deux journées à étudier l’œuvre et à savoir comment je vais la diffuser et une fois que j’ai terminé ça c’est pour toujours. En revenant à Nova Musica, je voulais vous dire que nous avons un festival. Au niveau des moyens on est vraiment, on ne peut pas avoir moins, de la part du ministère, on ne peut pas avoir moins. Déjà pour le festival on n’a pas beaucoup de subventions. J’ai eu la chance d’avoir une salle à Paris. Dans cette salle, je fais mes concerts, j’organise mes concerts en fonction des musiques que je peux monter et obtenir certaines subventions comme la Spedidam, des sociétés de droits civils pour payer les artistes. Ce système d’interprétation, je l’élargis avec d’autres interprètes. Maintenant on va faire un disque, parce qu’on a fait des créations. On a fait des duos aussi avec d’autres musiciens. On fait aussi de la musique improvisée. Et on fait aussi pas mal de choses autour de la musique avec la vidéo, la musique électroacoustique toujours avec de la vidéo, la danse, du théâtre musical. L’année dernière, dans le festival avec une pièce de théâtre musicale. Donc on est vraiment avec très peu de moyens, on n’a pas de permanent, on fait tout dans les concerts, et moi je travaille autour de la vente de ces concerts. C’est comme ça que l’on arrive à vivre. On a un réseau de distribution pour nos disques. On a des ouvrages aussi, on fait des actions pédagogiques dans différents conservatoires et surtout à l’étranger, on fait pas mal d’actions pédagogiques, des ateliers d’interprétation. Alors avec Daniel, on travaille avec des instrumentistes et tous les instruments et on monte des pièces et parfois on organise un concert, enfin on réalise un concert parce qu’on a besoin aussi que les interprètes soient motivés pour interpréter cette musique et qu’ils connaissent vraiment comment le faire. Parce que un instrumentiste, la première fois qu’il se confronte à cette musique, ça peut être terrible. Il faut aussi motiver les interprètes et je crois qu’une des choses principales à faire dans les conservatoires, vis à vis de cette musique, c’est aussi motiver les jeunes instrumentistes à aimer cette musique et surtout créer, je ne sais pas comment parce que c’est vrai que l’on dit que les gens qui interprètent la musique acousmatique, ne sont pas des musiciens, mais ce ne sont pas non plus des techniciens, c’est pas possible que ce soit des techniciens. Il faut aussi que cette musique ne soit pas toujours parrainée, que l’interprétation de cette musique ne soit pas toujours parrainée, par un studio ou par un compositeur qui se déplace pour aller faire les choses. Il faut aussi former des gens, on a parlé tout à l’heure des accompagnateurs pour les compositeurs, il faut créer aussi des accompagnateurs sonistes pour les instrumentistes, pour que ce soit eux qui programment la musique aussi, parce que quand un artiste va quelque part nous on programme. Nous, on n’est pas compositeurs, on programme des oeuvres, on programme des oeuvres de tous les compositeurs qui ont soit écrit pour nous, soit qui nous ont envoyé leurs oeuvres. On a déjà demandé une pièce ici que j’ai entendue hier qui m’a beaucoup plu, je vais demander pour la diffuser à mon festival, cette année, si c’est encore possible. Et voilà … je pense que c’est tout.

Christian ELOY :

Merci. Je vais donner la parole à Lionel VIARD, directeur d’Elektrophonie.


Lionel VIARD :

Bonjour, donc Elektrophonie est une association qui a été fondée en 2001 à Besançon. C’est une association de diffusion et de sensibilisation. C’est-à-dire que l’on n’a pas de vocation à proposer de l’aide à la création, on n’a pas de matériel, on n’a pas de studio. Donc on est dans la diffusion en organisant des concerts. En Franche Conté, il y a eu cette volonté de proposer un point de diffusion, pour diffuser cette musique dans un lieu où ça ne se faisait pas. Mais si on ne fait pas d’aide à la création, on est pour l’instant une petite association, donc les choses se font forcément assez lentement. On est en train de réfléchir à la possibilité de passer des commandes, alors c’est une forme de soutien à la création, sans accueil. Je dirais que l’association à été fondée par des gens qui aiment cette musique, qui d’un certain point de vue, font plus partie du public que des gens qui la font. Mais c’est vraiment ça que l’on cherche à prolonger, étant des amateurs de cette musique on a envie de partager cet intérêt avec un public qui ne la connait pas forcément. Je dirais que c’est un des éléments fondateurs des actions de l’association. Donc, on oriente nos programmations pas strictement autour de la musique électroacoustique, on fait quelques mélanges avec la musique électronique avec un courant qui s’appelle Electronika tout en restant dans des musiques qui s’écoutent. Pas dans des musiques pour la danse, c’est vraiment une position de concert de musique à écouter. L’événement principal que l’on organise, ça s’appelle les Nuits Bleues, c’est une sorte de festival qui est organisé depuis 4 ans maintenant aux salines d’Arc et Senans et depuis deux ans maintenant, on commence au milieu d’une saison avec une conférence, donc vraiment dans cette optique de sensibilisation, en invitant quelqu’un à parler des musiques électroacoustiques en début d’année. En essayant de croiser avec d’autres thèmes que la musique électroacoustique. L’année dernière par exemple, il y avait une conférence faite par Philippe Langlois sur les rapports qu’il y a eu à l’époque entre des compositeurs de musique électroacoustique et des cinéastes et réalisateurs. Dans l’idée d’intéresser, enfin de faire découvrir cette esthétique aux gens de Besançon et des environs, et dans cette idée que peut-être si ça les intéresse, ils puissent venir découvrir dans un format concert plus classique. Les constantes qu’il y a dans nos organisations, on essaye de choisir un lieu d’architecture un peu fort pour mettre la musique en relation avec aussi des aspects plus visuels, puisque les musiques électroacoustiques comportent peu d’aspects visuels. Donc par exemple la saline d’Arc et Senans depuis 4 ans, cette année on a aussi joué à la chapelle de Ronchamps dans le cadre du cinquantième anniversaire. Et pour faire le lien entre les programmations musicales et les lieux d’architecture, on invite des plasticiens à mettre en place des installations, donc ce ne sont pas des installations multimédias, ce ne sont pas des installations interactives, c’est vraiment le domaine des arts plastiques ; mais réfléchi, en relation entre le lieu, son architecture et en relation avec ce que l’on y propose. Une autre constante, c’est que pour programmer ces concerts de musique électroacoustique, on fait des appels d’œuvres, alors peut-être que vous en avez déjà reçu. Et je dirais que c’est là que l’on a le principal lien avec les jeunes compositeurs. On lance un appel d’œuvres, et ensuite on programme un concert. La Nuit Bleue par exemple, ce sont des concerts qui sont assez longs, qui durent à peu près 9 heures. On programme finalement beaucoup de pièces. Donc ce serait ici qu’il y a le lien avec des jeunes compositeurs, on invite les gens à envoyer des pièces et ensuite on fabrique une programmation avec cette matière. Voilà !

Christian ELOY :

Merci … de dégager l’essentiel, nous avons un nombre d’interventions assez important. Je ne voudrais pas que la lassitude s’installe. Merci de bien dégager l’essentiel et les spécificités de vos structures. A Thierry BESCHE du GMEA.


Thierry BESCHE :

Je vais présenter ce qu’est le contenu du centre de création musicale qu’est le GMEA. Simplement, je voudrais d’abord revenir un petit peu sur ce qui a été dit sur la naissance des structures ; les premières musiques du GMEA datent de 1977 et la structure est professionnelle depuis 1981, nous intervenons essentiellement sur la région Midi Pyrénées pour la diffusion des pratiques électroacoustiques.

À l’époque, on s’est réunis pour des raisons matérielles, puisque les équipements coûtaient alors extrêmement cher. Donc la première légitimité de ces lieux, c’est de mettre en commun des moyens, ce qui est une première chose dans l’aide à la création musicale. Mais la deuxième chose aussi, c’est qu’à cette période, tout le monde s’en foutait complètement de cette musique-là, il fallait donc passer par la recherche de public, par la création des publics et la diffusion sur un territoire, en l’occurrence la région Midi-Pyrénées, et même si les Pyrénées ne sont pas un désert, des fois ça y ressemble un petit peu, c’est quand même assez rural malgré tout, et Albi est parfois à la campagne. Du coup, les choses ne sont pas forcément faciles et il y a une nécessité en fait à se regrouper pour faire exister tout simplement ces pratiques sur un territoire. J’ai le sentiment que 25 ans plus tard, on est toujours dans les mêmes problèmes, et nous continuons à faire la même chose, c’est-à-dire à regrouper des moyens, des énergies, des forces et essayer de construire un public et une relation au public sur ce territoire. Les difficultés de diffusion n’ont pas beaucoup évolué malgré la présence des scènes nationales. Je ne m’étendrais pas sur leur capacité à diffuser les musiques d’aujourd’hui ; ceci dit, nous avons quand même notre place avec des diffuseurs et un partenariat par exemple avec la Scène Nationale d’Albi.

Le GMEA se comporte un petit peu comme tous les organismes et les centres en France en faisant évidemment de l’accueil, de l’aide à la création, à la diffusion etc … et je ne m’étendrai pas là-dessus, simplement peut-être dire que les spécificités sur notre région se sont forgé avec la réalité du terrain, la réalité du territoire et c’est pour ça que très très vite nous avons essayé de réfléchir sur la manière de travailler en relation avec ce territoire, et en relation avec ces contextes. Cette interrogation, n’a cessé de nous habiter en quelque sorte et elle conduit notre action depuis de nombreuses années, en prenant des formes diverses et variées dans nos choix, nos attitudes, nos actions.

Dans l’action pédagogique, nous avons conçu il y a quelques années un synthétiseur, un synthétiseur à vocation pédagogique qui s’appelle le MELISSON qui a été industrialisé, qui a été utilisé, qui est toujours utilisé dans certains conservatoires, écoles de musique, etc. cette aventure nous a permis de faire un grand parcours et de nombreuses expériences qui ont permis de se poser beaucoup de questions autour des pratiques électroacoustiques et des pédagogies de l’écoute.

Au fil du temps, nous avons formé je pense, en tous cas rencontré beaucoup de jeunes écoliers, beaucoup de jeunes, tout jeunes étudiants à qui on a donné j’espère un petit peu la graine de la musique électroacoustique. Nous avons un certain parcours dans l’histoire qui nous permet aujourd’hui de rencontrer des petits-enfants qui sont devenus grands et qui se souviennent de l’action pédagogique menée avec le MELISSON, et qui nous disent leurs souvenirs intacts de l’approche, alors nouvelle à leurs yeux, de ces pratiques.

Nous avons aussi travaillé sur d’autres sujets bien sûr, par exemple sur la relation au contexte, c’est même devenu un sujet important de préoccupation de certains musiciens, compositeurs, jeunes compositeurs qui traversent le GMEA. Nous essayons d’accompagner et de développer des actions qui visent effectivement à utiliser les moyens et les pratiques électroacoustiques en plaçant au cœur de la réflexion la relation à l’écoute et l’invention en relation à un contexte. Je ne vais pas rentrer dans les détails, ce n’est pas possible, je n’ai pas le temps de le faire ici.

En ce qui concerne la diffusion, il y a un premier temps fort dans la saison en mars qui s’appelle Festival REBOND qui est fait avec la Scène Nationale d’Albi. La programmation se construit sur la relation transversale des expressions, il y a la danse qui se croise avec les musiques contemporaines, les arts plastiques, les arts du sonore. Le GMEA s’occupe par ailleurs d’un atelier d’expérimentation du sonore à l’école des beaux-arts de Toulouse. Mais il y a aussi un autre festival qui a lieu au mois de mai : les Rencontres Musique,Quotidien, Sonore. Ces rencontres sont extrêmement importantes, et nous sommes d’ailleurs entrain de les faire évoluer sous une forme différente pour les saisons à venir. Pourquoi Rencontres ? rencontres plutôt que festival, parce ce qu’elles provoquent des réflexions entre des musiciens, des artistes, et avec des formes d’expression qui ne se rencontrent pas habituellement. Donc on sollicite des artistes, on génère des rencontres, on passe des commandes qui se développent et se réalisent tout au long de l’année. Alors ça ne se voit pas toujours ce patient travail, au mois de mai, c’est la partie émergente de ce travail… nous organisons des résidences qui permettent de partager des expériences sur cette thématique de musique, quotidien, sonore ; le titre parle de lui-même, la musique du quotidien, le quotidien du son, le son au quotidien, le sonore, le musical, la musique, la relation, la relation à l’écoute … voilà pour faire synthétique, rapide !

Ces rencontres permettent de nouer des aventures, et de nouer des compagnonnages tout au long de l’année. Ce que nous essayons aussi de faire, c’est de ne pas passer des commandes pour passer des commandes, mais nous essayons d’installer ces commandes dans la durée, dans le temps. C’est-à-dire que nous plaçons dans le contenu de ces commandes, un temps pour une partie réflexive et un temps pour la réalisation de l’œuvre. Nous accompagnons le projet sur 2 ans, sur 3 ans, dans un compagnonnage avec les compositeurs, autour de leur action ; souvent aussi d’ailleurs autour d’une action en relation avec des contextes, c’est-à-dire avec une population spécifique, avec un territoire particulier où l’on essaie de construire cette relation sur le fond. Évidemment le concert a lieu à la fin du parcours bien sûr, mais avant cet objectif de concert, on fait d’abord émerger des petites rencontres avec le compositeur, des petits concerts lectures, des petits concerts préparatoires. Les compositeurs invitent d’autres musiciens, ou d’autres compositeurs en regard de la réflexion qu’ils mènent. Nous essayons ainsi, de générer, de bousculer, de basculer la logique de diffusion habituelle, et celle du créateur enfermé dans un coin qui un jour sort du chapeau une œuvre… on essaie de montrer l’envers du chapeau et de construire la relation musicale et la relation au public, avec cet envers du chapeau.

Ah ! si juste un petit mot au sujet de la formation professionnelle et par rapport aux nouveaux métiers. Dans le cadre d’une formation professionnelle que nous mettons en place avec l’ENM du Tarn, Alain Savouret (classe d’improvisation générative au CNSP) et Jean Pallandre, travaillent actuellement à l’expérimentation et à l’élaboration d’un contenu à donner pour une formation fondamentale et complémentaire de l’oreille à destination d’enseignants de formation musicale.

Il s’agit aussi de susciter la réflexion autour de la thématique de l’écoute. On ne s’est peut-être pas encore assez approprié tous les tenants et les aboutissants de l’histoire musicale du Xxème siècle ; le champ de notre écoute, le champ de la relation à l’écoute s’est considérablement agrandis, c’est un sujet passionnant.

Par exemple, tout le travail qui permet d’explorer la multimicrophonie dans la relation à l’instrument, d’expérimenter la multiphonie considérée comme un outil d’écriture, permet d’approcher autrement la notion d’écoute, ou plus exactement nous donne un « faire entendre autrement ».

Par rapport aux nouveaux métiers, nous sommes en réflexion aussi avec l’école des beaux-arts, des enseignants du son à l’École audiovisuelle de Toulouse et au lycée des arènes qui forme des BTS son. L’idée serait de créer un volet de l’enseignement qui s’intéresserait à une formation à l’écoute, ça veut dire quoi apprendre à écouter, quel contenu à amener ? Je vous dis ça parce que l’objectif de donner un contenu à ce type de formation, c’est ouvrir les portes vers de nouveaux métiers qu’on évoquait tout à l’heure, pas seulement pour l’assistanat musical, mais aussi dans tous les croisements possibles entre les mondes de la création artistique : théâtre, danse, musique, arts plastiques, arts du sonore, installations, design, etc … Il y a des nouveaux métiers sur ces champs d’application et oui, c’est certain, quelque chose à faire et à découvrir.

Christian ELOY :

Merci, je passe maintenant la parole à Claude CADOZ de l’ACROE qui est un habitué de l’essentiel …


Claude CADOZ :

Alors, avec l’esprit de contradiction qui me caractérise, je voudrais aller contre la remarque de David Jisse sur le fait que nos structures sont toutes un petit peu semblables et nos problèmes un petit peu comparables ; parce qu’effectivement dans notre cas, c’est-à-dire l’ACROE et l’ICA, c’est pas tout à fait, c’est même pas du tout le même genre de schéma, mais je suis très content de pouvoir vous présenter ça aujourd’hui parce que de retrouver une communauté, je connais beaucoup de personnes et il y en a beaucoup que je n’ai pas vues depuis bien longtemps, ça fait très plaisir d’être là. Voici donc pour essayer de vous présenter ce groupe, ACROE et ICA qui ont été créés en 1975, c’était en même temps que l’IRCAM pour mettre les points sur les i , et qui est en fait, sa particularité c’est d’être une articulation entre un laboratoire universitaire, c’est le laboratoire ICA (Informatique et création artistique). Il s’appelle, il n’est un laboratoire avec ce nom-là que depuis 7, 8 ans seulement. C’est-à-dire qu’il est laboratoire en tant que tel de l’institut National Polytechnique de Grenoble, que depuis 7, 8 ans donc ; mais auparavant l’ACROE fondé donc en 1975, à la demande et avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication, a toujours été adossé à un laboratoire universitaire, donc un propos plus général, qui n’a pas forcement à voir avec la création artistique, mais dans laquelle il y avait une équipe, il y a toujours eu une équipe de chercheurs qui s’appelait déjà ICA (Informatique et Création Artistique). Alors je reviendrai sur l’intérêt de cette articulation, mais en tout cas l’origine de la fondation de ce groupe, c’est effectivement le besoin ressenti par 3 jeunes chercheurs à l’époque, ils sont moins jeunes aujourd’hui puisque c’est moi et mes deux collègues, en 74, 75, au moment où la synthèse informatique musicale avait déjà un petit peu une histoire, si ce n’est une notoriété, d’un besoin de prendre les choses en charge très fondamentalement en terme d’utilisation des nouvelles technologies, nouvelles technologies pour la création artistique. Et si on regarde très rapidement l’historique des nouvelles technologies avec la création artistique, il y a effectivement quatre naissances importantes, c’est la naissance de cette musique concrète, en 48, la musique électronique en 50, environ, et deux autres naissances une décennie plus tard, la composition automatique, aux États Unis, avec notamment les expériences la suite Iliac et puis la synthèse numérique du son en 1957 avec Max Mathiews. Alors en fait on connaissait en 75 quand on a commencé ces éléments d’histoire, et ce qui nous frappait en quelque sorte, c’est de considérer que dans aucune des situations, que ce soit la musique concrète ou la musique acousmatique, la musique électronique, la composition automatique ou la synthèse numérique du son, pour être très schématique, aucune finalement de ces situations là ne posait la question du rapport entre la technologie et le processus de création de manière complète. Si on prend la musique concrète par exemple, je ne vais pas toutes les passer en revue … mais si on prend la musique concrète par exemple, certes on conserve quelque part au moment de la fabrication, du matériau sonore, une relation instrumentale avec les objets desquels on tire des sons, mais il est absolument impossible de faire une écriture prescriptive, il peut y avoir une écriture à posteriori descriptive en quelque sorte, ce qui fait que la musique concrète a un gros handicap quelque part. Si on pense à la composition automatique, il y a une grosse, une grande schizophrénie, dans toute l’approche de la composition automatique, de la composition assistée par ordinateur pendant ces premières décennies qui est qu’il y a d’un côté la pensée en quelque sorte, l’écriture, alors là pour le coup, l’écriture était bien servie, mais pas du tout de lien direct, avec le rapport instrumental, avec la matérialité du timbre, du son, le corps du son etc … Maintenant si on prend la synthèse du son, la synthèse numérique, alors là on a effectivement le matériau, on le maitrise très très bien, on l’écrit, on le prescrit ; Jean-Claude Risset a mis effectivement à une époque une phrase assez célèbre qui est que grâce à la synthèse du son, l’informatique eh bien on peut maintenant composer non seulement les sons entre eux, mais le son dans son intériorité. Mais ceci dit, avec la synthèse, en tout cas dans cette première décennie, la synthèse du son, on a complètement perdu la relation instrumentale, le rapport corporel à l’instrument qui pourtant est fondamental dans l’expressivité et même dans tout le processus de création. Alors en constatant, sans forcément en faire un point d’honneur quand on a commencé ce travail là, on s’est dit qu’il était important, qu’il certainement possible avec l’ordinateur, de rationnellement aller vers une orientation qui fasse la synthèse de toutes ces choses et ne nous condamne pas à une quelconque de ces restrictions. Et c’est comme ça que l’on a, en se creusant un peu la tête, avec l’équipe au départ, Jean-Loup Florent, Annie Luciani et moi-même, inventé ce qui s’appelle aujourd’hui le modèle physique en synthèse, donc ça c’était en 1978, 79, qui est devenu ensuite : la synthèse multisensorielle interactive des objets physiques … avec là-dedans des Transducteurs gestio rétroactifs, que sais-je encore, enfin encore des tas de joyeusetés, des noms d’oiseaux comme ça, que je ne demande qu’à vous démystifier parce que c’est pas si mystérieux que ça … ça veut dire qu’en fait l’ordinateur est pour nous, et le pari a été pris effectivement de faire des choses à l’intérieur de l’ordinateur, avec l’ordinateur, exclusivement avec l’ordinateur dans un premier temps, par règle du jeu, en se disant que après si on veut aller vers une mixité, on pourra le faire d’autant mieux. En tout cas c’était notre pari et on a fondé ce programme de recherche qui tentait de mettre dans l’ordinateur et autour de l’ordinateur, toutes les conditions qui permettent à la fois de pouvoir le considérer comme un instrument. Un instrument, c’est un objet avec lequel on interagit avec le corps, avec les gestes, que l’on entend, qu’on voit etc … donc la notion de multi sensorialités, d’interactions gestuelles etc … Et de telle sorte qu’effectivement une fois que tout est bien conditionné, maitrisé, eh bien on puisse à la fois avoir la situation instrumentale et la situation d’écriture, c’est-à-dire que je mets ces deux choses là tout à fait aux deux extrêmes, aux deux complémentaires qui sont importants l’un et l’autre. Il se trouve qu’en abordant ça, on s’est aperçu aussi, qu’on introduisait un décloisonnement intéressant, c’est-à-dire, mettre au point des processus, des algorithmes, des programmes d’ordinateurs qui permettent de faire ça, nous permettait aussi finalement de considérer dans un même tout ce qui est gestuel, ce qui est tactile, ce qui est perception corporelle, action corporelle, audition et vision, c’est pour ça que je parlais du multi sensoriel et donc on a réussi à créer un décloisonnement fondamental entre musique et art visuel par exemple et art corporel. Ca c’est une des données du paradigme (c’est un mot que j’aime bien, ça fait joli) de notre programme de recherche. Et maintenant pour en venir à ce qui est important pour nous ici ; et bien tout ça n’était pas évident bien sûr, il a fallu beaucoup de travail de réflexion, de cogitation, d’expérimentation. Pendant les 10 premières années, on a fait du travail purement théorique dans notre coin, on avait très peu de possibilités de vraiment montrer ce que l’on faisait, sauf pendant des conférences assez spécialisées. Ce qui nous a conduit pendant la décennie suivante, à la possibilité de mettre au point des outils démonstratifs qui ont été au point à la fin du siècle dernier, non qu’est ce que je dis ! la décennie dernière vers 95 à peu près et ce qui fait que dès 96, et c’est là que c’est important, on a réussi, on a pu effectivement mettre ces outils entre les mains d’artistes, d’enseignants, de formateurs etc Ca a commencé en particulier avec un premier atelier international au centre ZKF de Karlsruhe, qui était un point de départ assez fort et depuis donc, cette décennie-là, depuis 1996, avec un grand nombre d’artistes, que ce soit des plasticiens, des artistes du visuel, ou que ce soit des compositeurs, on a organisé un très grand nombre d’ateliers pédagogiques, de sessions de formation, on a disséminé un certain nombre de nos machines et de nos plate-formes, on a développé une approche pédagogique très forte, très poussée sur ces nouveaux outils, sur ce nouveau concept. On a découvert entre autres, une chose qui était disons, un peu anticipée, mais qui n’était pas forcement évidente au départ, c’est que ce paradigme du modèle physique pour la synthèse du son, la synthèse de l’image animée, l’interaction gestuelle, corporelle etc … avait cette vertu absolument fondamentale, et ça c’est un développement dans nos travaux de recherches de ces quelques dernières années, c’est que l’on peut non seulement s’attaquer aux matériaux sonores avec cette approche de l’ordinateur, mais aussi toutes les problématiques compositionnelles. On est en train de mettre en place un cours, un contenu de cours pour effectivement, dont l’objectif, le but est d’apprendre à composer avec ces fameux modèles physiques, donc non seulement apprendre à faire des sons, faire des matériels sonores, mais aussi à composer. Je ne peux pas rentrer dans le détail, mais je vous garantis que ce sont des choses absolument passionnantes et que je suis tout à fait disposé à vous enseigner, jusqu’à plus soif, et donc en en est là aujourd’hui, du côté des possibilités, du côté de la recherche, du développement de ces outils. Alors je disais il y a deux organismes, le laboratoire universitaire et c’est là qu’est l’ACROE. Et l’ACROE effectivement a cette vocation de promouvoir, d’accueillir les pratiques de création, de promouvoir de la formation, et éventuellement, occasionnellement, d’organiser, de s’associer à des organismes dont c’est la compétence, dans des festivals et des démonstrations publiques pour présenter les oeuvres créées. Ce qui est le plus important aujourd’hui, c’est qu’on a après cette décennie, depuis 1996, on arrive à un stade qui est tout à fait décisif, c’est que ces outils, ces concepts, étaient praticables sur des machines de laboratoire assez sophistiquées, des stations informatiques Silicone Graphics, des choses très singulières c’était nécessaire pour la puissance. Maintenant ces outils sont en phase, c’est à l’échéance du mois de juillet 2006, d’être transportées sur des stations de travail pour parler clair Macintosh et PC, et de plus on développe en même temps, et ce sera la première version qui sera prête au mois juillet également, sur ce que j’appelle un Instrumentarium, c’est-à-dire un ensemble de modèles qui permettent d’attaquer tout de suite la problématique musicale ou compositionnelle avec des exemples qui ont été longuement élaborés, longuement raffinés, étudiés pendant ces dix dernières années, et puis ce que l’on appelle aussi un environnement didactique, c’est-à-dire quelque chose qui va permettre, soit à l’apprenant tout seul, le compositeur, le jeune élève etc … de se familiariser avec ces outils, soit à un intervenant pédagogique, disons de s’appuyer sur ces outils pour apprendre aux apprenants, soit, disons par toutes les situations pédagogiques possibles. Pour finir, donc je dirais qu’un de nos projets clé pour l’instant, pour l’horizon, disons, fin 2007, novembre 2007, c’est à travers plusieurs ateliers de style dont je parlais tout à l’heure, qui sont des sessions de 5 ou 6 jours, d’une semaine, disons dans lesquelles on peut accueillir une dizaine de compositeurs, d’artistes, pour faire de la pédagogie, on va essayer de mettre en place un séminaire permanent sur 2 années avec un groupe de travail qui sera chargé de produire un certain nombre d’œuvres pour novembre 2007, et en même temps de travailler à la mise en place collective d’un cursus, c’est-à-dire de finalement, de matériaux pédagogiques à disséminer ensuite pour tout le monde. Et dernière chose, cette association universitaire (Centre de Création et de Recherche), est extrêmement importante parce qu’aujourd’hui, effectivement, il y a un vrai problème qui est celui de la coordination entre les enseignements artistiques supérieurs et le format universitaire ; je pense en particulier au format Licence, Master, Doctorat ; bon je sais qu’actuellement, il y a un certain nombre de démarches qui vont dans le sens d’essayer d’harmoniser ces choses là. A Grenoble, avec le laboratoire d’ICA et d’ACROE, on a créé, et j’en assure la responsabilité, un Master, deuxième année de recherche, qui s’appelle « Arts Sciences Technologies » et qui est destiné à des étudiants scientifiques qui vont venir apprendre les méthodologies de la création artistique à l’aide de l’ordinateur, mais avec une approche assez particulière, assez forte qui effectivement, le distingue peut-être d’un autre Master du même genre qui est le Master ATIAM associé à l’IRCAM, où le scientifique, l’ingénieur, le technicien est considéré un petit peu comme quelqu’un qui est au service de l’artiste et c’est pas près de changer d’après les dernières évolutions, ça a même plutôt tendance à s’aggraver, et tandis que là il y a effectivement une prise en charge dans ce Master AST, du fait que le scientifique, l’étudiant qui a une formation plutôt sciences dures on va dire, mais de vrais comportements, configurations mentales d’artistes, et ça existe, je vous prie de me croire, eh bien qu’il lui soit non seulement permis d’entrer dans la problématique artistique et aussi d’offrir aux artistes qui n’ont pas forcément le même câblage, des visions, des regards, des éclairages, sur ce qu’est la science dont l’artiste en question peut effectivement se nourrir de manière extrêmement féconde et pertinente. Et dans ce Master Arts Sciences et Technologie, l’objectif est à la fois double, c’est-à-dire, de trouver une articulation avec les organismes d’enseignement supérieur. Il y a effectivement une collaboration avec le C.N.R. de Grenoble, et la classe de composition d’Arnaud en particulier, avec des écoles d’art à Grenoble, et à Angoulême par exemple, il y a l’école Supérieure de l’Image à Angoulême, avec également des organismes autres, européens, et l’idée est effectivement d’essayer d’élargir cette formation là ; non seulement de permettre aux scientifiques d’avoir une approche artistique réelle mais aussi pour les artistes qui ont suivi un parcours plutôt artistique je dirais, d’avoir une approche qui leur soit adaptée, une approche des problématiques scientifiques et technologiques de façon à ce que l’on ait deux mondes, celui des scientifiques et des technologues d’un côté, celui des artistes de l’autre. Cela me parait extrêmement important et donc je dirais en ce qui concerne la communauté que vous représentez, à laquelle je me moule très volontiers, je pense qu’il y a peut-être un certain nombre de choses que l’on peut tirer de ces perspectives.

Christian ELOY :

le rythme a augmenté … nous passons les 120 BPM …

Je donne la parole à Michel PASCAL pour terminer. On déroge un petit peu à la règle puisque l’on s’était mis plus ou moins en retrait par rapport à nos invités, mais Gérard LEMAIRE ne pouvant pas être là aujourd’hui, c’était vraiment essentiel.


Michel PASCAL :

Absolument. Je voudrais excuser deux personnes. D’une part, je voudrais excuser François Paris qui est le directeur du CIRM qui renouvelle son intérêt pour cette manifestation mais s’il n’est pas là c’est qu’il ne pouvait vraiment pas venir ; et puis, j’excuse aussi Gérard Lemaire parce qu’il a une réunion avec le maire d’Aix aujourd’hui, et c’est le genre de réunion que l’on ne peut pas reporter … sans ça, il serait venu.

Donc, je vais vous parler rapidement du Studio Instrumental et d’AIX en MUSIQUE qui forment une coproduction pour une série qui s’appelle Microfolies dans la programmation d’Aix en Musique? Donc Microfolies, au niveau instrumental, c’est une micro-structure qui ressemble un petit peu à une compagnie de musiciens, comme le disait Francis tout à l’heure, qui a été créée il y a de nombreuses années par Pascal Beauvoir et moi-même et je ne sais plus qui. On était trois au départ ; et qui concerne en fait quelques musiciens dans diverses zones stylistiques. Et on connaît je pense le jazzman Philippe Renaud etc.

Donc, le studio instrumental était plutôt amené à s’occuper de temps réel et d’improvisation, mais avec différentes collaborations, on s’occupe aussi de programmation. Alors Microfolies qu’est-ce que c’est ? C’est un temps fort des acousmoniums, Aix en Musique étant disons l’association de concerts qui est mandatée par la ville d’Aix, maintenant par la communauté d’agglomération pour faire tous les concerts de musique. Donc un diffuseur généraliste. Donc à l’intérieur de ça, on est un petit nombre de spécialistes dans le domaine de la musique du monde, de la musique contemporaine, moi je m’occupe des musiques contemporaines. Donc la série Microfolies, c’est un temps fort pour les acousmoniums, c’est-à-dire que l’on a essayé de se positionner sur un festival qui inviterait les acousmoniums en tant qu’instruments et non pas seulement les musiques à jouer sur un système qui serait fabriqué pour diffuser de la musique acousmatique. Mais, c’est aussi un moment où l’on utilise toutes les musiques, toutes les technologies, les croisements avec le rap, la techno, les musiques du monde, le jazz etc … la musique dans la rue, dans Aix en Musique ; c’est une série encore plus particulière puisque c’est une très vieille série qui est remise en fonction il y a 3 ans, 4 ans, sur la demande de Marie Jouassa qui est l’actuelle maire d’Aix en Provence, et qui existait auparavant, un petit peu en collaboration avec France Musique, un peu comme ça se passe maintenant à Montpellier avec le festival de Montpellier ; donc il y avait une très forte proportion, une très forte quantité d’actions, on nous a demandé de reprendre cette manifestation, notamment sans les moyens qui étaient les moyens que l’on avait à l’époque. C’est-à-dire que ce sont les moyens actuels d’Aix en Musique qui sont assez petits. Donc, Musique dans la Rue, c’est en réalité une semaine dans laquelle il y a toutes sortes de concerts, toutes sortes de musiques, qui se passent exclusivement dans la rue et qui sont entièrement gratuits. Donc à l’intérieur de cette manifestation, aujourd’hui, il nous reste une journée, qui est consacrée aux musiques électroniques avec donc, une unité de temps, une unité d’espace, puisque presque tous les concerts de cette journée ont lieu au Pavillon Vendôme, et donc il y a là de la musique acousmatique, il y a du live électronique, parfois des installations, de la vidéo, de la danse, de la musique instrumentale, musique mixte et des improvisations. Donc le plein air nous oblige à un type de musique qui passe en plein air, c’est pas forcément évident, mais ça nous oblige aussi ; par exemple Bernard Mache a refusé de venir jouer « les phonographies de l’eau », à cause du bruit de fond de la ville, ce qui parait tout à fait normal, mais on a essayé d’argumenter pour l’avoir quand même ! Ca implique aussi des contraintes spécifiques, le public est mobile, c’est-à-dire il rentre, il sort, il part, durant les heures de concert, mais il peut bouger pendant le concert. Il est également très disparate, ce qui correspond à une volonté d’Aix en Musique de toucher une base la plus large possible, et en particulier, un peu contrairement à ce que l’on a d’habitude avec les organisateurs de concerts de musiques électroniques, nous on a commencé à l’envers, c’est-à-dire que l’on a commencé par toucher un public qui n’y connaissait rien et c’est peu à peu que l’on voit venir des gens qui sont amateurs de ces musiques. Il y a quand même le choix d’un certain confort, c’est-à-dire que comme nos amis du G.M.E.M. on a eu l’idée en même temps, on a installé un système de chaises longues et on offre une boisson fraîche aux gens qui sont en train d’écouter la musique. Alors ça parait un petit peu anecdotique mais en fait ça change beaucoup la relation que le public a avec la diffusion à la console parce que le public est bien assis, parce que vous êtes bien assis, vous êtes bien dans une situation de concert, mais vous n’avez pas de regard sur la personne qui diffuse, vous avez un regard qui porte légèrement vers le ciel et donc ça change assez considérablement la mentalité, il y a des gens qui s’allongent aussi dans la pelouse, bien que ça ne soit pas très autorisé … Donc voilà, il y a des difficultés qui sont aussi liées aux contraintes du lieu où l’on met l’acousmonium, qui est très profond, et peu large, donc le système de projection sonore avec la console au centre du public et l’acousmonium avec beaucoup de façade et un petit peu autour est complètement renversé, puisque c’est-à-dire que le public est au centre de l’acousmonium et que la diffusion se fait plutôt par l’extérieur. Donc à l’envers, c’est un petit peu compliqué. On a un donc un lieu très beau, mais des contraintes techniques lourdes aussi, c’est-à-dire qu’il faut installer, répéter, jouer, en un temps record. Tous ceux qui sont venus jusqu’à maintenant, l’espace musical, le GMVL, le GRM, Motus, Musiques et Recherches, et Beast de Birmingham, ont été obligés d’installer l’accousmonium, de répéter et de jouer en une seule journée. Donc, ça on va essayer de faire un petit peu de progrès l’année prochaine ; puisque l’on espère pouvoir fournir, à partir de 2006 un gardiennage de nuit, pour pouvoir installer l’acousmonium la veille. Voilà, donc dans les objectifs de la structure, il y avait la volonté de montrer qu’un diffuseur généraliste qui donc n’était pas du tout lié à la musique contemporaine et à la musique électronique, pouvait programmer une musique d’aujourd’hui et d’autres jeunes compositeurs, et que l’on espérait que ça pouvait entraîner d’autres diffuseurs de la région et d’ailleurs à s’intéresser à ça. J’ai entendu tout à l’heure quelqu’un parler des réseaux de la Scène Nationale, ce qui est interdit pour nous, ce qui est une réalité et donc on espérait montrer aussi à certaines Scènes Nationales que c’était possible de faire du public et de faire des concerts en s’y prenant peut-être avec un tout petit peu plus de volonté. Alors on ne favorise pas en particulier les créations, puisque l’on est dans un rôle de diffuseur et on cherche par contre à développer une place qui n’existe pas aujourd’hui dans la musique contemporaine donc qui serait la diffusion. D’où un très petit nombre de premières dans nos programmations mais un très grand nombre souvent de deuxièmes, de troisièmes, de quatrièmes et de nombreux jeunes compositeurs que l’on a programmés, donc vous avez vu, près d’une centaine maintenant ; avec une proportion qui serait à peu près de 20% de créations mais si on compte les deuxièmes, les troisièmes et les quatrièmes, on arrive à un peu plus de 80% de la programmation. Donc nous n’avons pas non plus d’accueil de compositeur, ce n’est pas un lieu de création ; pourtant, l’an passé, on a pu faire, à très petite échelle, on a invité Vinko Globokar et puis on a eu une série sur l’improvisation qui est maintenant à l’intérieur de Microphonie et donc on a pu inviter aussi des improvisateurs en résidence avec des projets communs avec le conservatoire. On essaye aussi de valoriser des lauréats des concours internationaux. On avait un partenariat avec une fondation en jouant chaque année le lauréat de l’année précédente. Et on envisage de nous lancer donc nous-mêmes cette année dans un mini concours pour compositeurs qui seraient à la sortie des Conservatoires de l’enseignement supérieur, tous les conservatoires, peut-être même pas forcément les conservatoires, en tout cas les jeunes compositeurs, dont le prix serait en fait la programmation à l’intérieur de cette série des Micropholies, sur l’accousmonium qui est invité cette année là. Une autre spécificité de nos actions, c’est que plutôt que d’avoir une durée traditionnelle de une heure, une heure et quart pour les concerts, on fait un choix de programme court, c’est-à-dire qu’au lieu de faire un concert, on fait 3 séries de 40 minutes, une en fin d’après midi, une en début de soirée et une dans la nuit. Donc on a remarqué à l’usage que lorsque l’on dépassait cette quarantaine de minutes, en fait, la concentration du public s’étiolait et que donc le public disparaissait. Et donc dernière chose, c’est la difficulté de notre survie, c’est-à-dire que l’on a un petit budget, avec des sources de financement aléatoires et une chose qui me parait très importante aujourd’hui pour nous, c’est-à-dire le refus de la DRAC de soutenir un effort de diffusion. C’est-à-dire que l’on ne trouve des aides financières des collectivités publiques que pour la création et pas pour la diffusion. Je pense que c’est un point sur lequel il faudrait que l’on force parce que c’est une très grande faiblesse d’organisation et comme le disait Henri Fourès au début de la séance, il faut quand même se rappeler que la communauté de la musique électroacoustique a pris en charge en très très grande majorité la programmation de musique contemporaine en général et de la musique instrumentale en particulier.

Christian ELOY :

Merci Michel

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